Au risque de choquer certains lecteurs, je suis de ceux qui pensent que les publicités négatives fonctionnent en politique, qu'elles font partie du jeu et que, parfois, quand elles sont bien faites, elles ont même une valeur éducative pour l'électorat.

Un exemple, parmi d'autres: il était sans aucun doute méchant de la part des conservateurs de lancer la campagne «Not a leader» (pas un meneur) contre Stéphane Dion, mais la réaction du principal intéressé et le désarroi de ses conseillers ont fini par démontrer que le message était... fondé. On appelle ça mettre le doigt sur le bobo. Évidemment, ça fait mal, mais la politique est aussi un sport de combat.

Au cours des dernières années, j'ai lu une bonne douzaine de livres écrits par des maîtres et des praticiens de campagnes négatives aux États-Unis, au Canada et en Europe et ils arrivent tous à la même conclusion: ça marche, mais attention, il y a des règles.

La campagne négative, c'est la nitroglycérine de la politique: à manipuler avec soin, sinon, elle risque de nous exploser en pleine face. C'est encore plus vrai au Canada où nous traçons, et c'est tant mieux, une ligne très claire entre vie privée et vie publique.

Tenter de torpiller un adversaire en diffusant des éléments de sa vie privée, et le faire anonymement en plus, c'est s'exposer à un douloureux retour de boomerang.

C'est ce qui vient d'arriver aux libéraux, qui ont lancé clandestinement un compte Twitter pour étaler sur la place publique les détails du divorce du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews. Ce serait l'oeuvre isolée d'un employé trop zélé qui a d'ailleurs démissionné. N'empêche, les libéraux viennent de se tirer dans le pied.

Du coup, Vic Toews, un ministre qui avoue ne pas lire ses projets de loi qui donnent des pouvoirs abusifs à la police et qui accuse l'opposition d'être du bord des pédophiles, un homme, par ailleurs, qui a été condamné pour fraude électorale au Manitoba, a soudainement l'air d'une victime. Je comprends Bob Rae d'être atterré devant la tournure des événements.

Cette affaire «Vikileaks» cause une distraction inopportune pour les partis de l'opposition, qui ont, pour la première fois depuis longtemps, une vraie «poignée» contre les conservateurs avec cette histoire d'appels téléphoniques trompeurs durant les dernières élections.

Il était un temps, pas si lointain, où les organisateurs politiques sillonnaient les rangs de campagne pour offrir une flasque d'alcool fort aux électeurs, qu'ils accompagnaient évidemment avec plaisir vers le bureau de scrutin.

Aujourd'hui, les méthodes sont plus sophistiquées: on ne cherche pas seulement à faire «sortir» son vote, on appelle aussi les électeurs du camp adverse pour les envoyer au mauvais endroit.

Il y a longtemps (au moins deux élections) qu'on entend parler des fameux «robo-call» des conservateurs, une technique qui consiste à lancer une campagne de messages téléphoniques dans une région ciblée. Les conservateurs ont orchestré une telle opération encore tout récemment dans la circonscription de Mont-Royal, pour faire croire que le député libéral Irwin Cotler était sur le point de démissionner.

Combien de circonscriptions visées lors des dernières élections, combien ont (ou auraient) été gagnées par les conservateurs grâce à ce stratagème? On ne le saura jamais, et c'est, après tout, secondaire. Le méfait démocratique reste entier, peu importe l'ampleur et le succès de l'opération.

Les partis de l'opposition devraient travailler à amasser des preuves sur le terrain et insister auprès d'Élections Canada pour que l'enquête «robo-call» avance réellement plutôt que de s'intéresser aux potins touchant la vie privée des ministres conservateurs.