Même si ce n'est pas la pire flambée de violence en dix ans, celle qui ébranle l'Afghanistan depuis huit jours pourrait être lourde de conséquences. Elle fait beaucoup réfléchir, en effet, sur l'utilité - et même la possibilité - de poursuivre le travail de sécurisation du pays. Encore hier, un attentat-suicide a fait au moins neuf morts à Jalalabad.

Cela porte à une quarantaine le nombre de victimes de l'actuel round de confrontations et d'attentats.

L'affaire a débuté par une maladresse - une autre! - des forces américaines à Bagram. On y a disposé «de façon non appropriée», dixit un officier, d'exemplaires du Coran, jetés ou brûlés, ou jetés à demi calcinés - ce n'est pas clair. Mais que le geste ait été accidentel est peu contesté. Barack Obama a présenté ses excuses. Le commandant John R. Allen a fait de même à la télé afghane.

Mais ça n'a rien changé: la haine déferle toujours.

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Depuis 2001, les Afghans ont à plusieurs reprises, et à bon droit, été heurtés par le comportement des troupes étrangères. On pense aux opérations ratées qui ont tué beaucoup trop de civils, souvent des enfants. Ou à ces Marines urinant sur des cadavres de talibans - une dégoûtante profanation qui, n'importe où, serait sévèrement punie par la justice.

Mais tuer en masse pour un livre, quel qu'il soit, c'est autre chose.

Et enlevons nos lunettes roses si confortables: cette autre chose est totalement, irrémédiablement, incompatible avec l'accès à la modernité, aux droits qui la fondent et aux bénéfices qu'elle assure.

En Afghanistan, une ferveur nationaliste attisée par l'«occupation», ferveur que l'on peut estimer motivée, est ainsi décuplée par une fièvre religieuse irrationnelle, d'un autre âge, qui ne disparaîtra pas demain. Ni dans un an. Ni dans dix.

Ce n'est d'ailleurs pas étranger au fait que la fiabilité de la police et de l'armée afghanes est douteuse. Samedi dernier, c'est un officier de sécurité afghan qui a tué deux Américains dans les bureaux mêmes du ministère de l'Intérieur. Même le chef de police de Kaboul a tenu des propos ambigus.

Résultat? Les États-Unis ont retiré tous leurs conseillers des ministères afghans. L'ambassade canadienne à Kaboul a annulé toutes les réunions prévues. L'opinion publique des pays engagés en Afghanistan est à nouveau secouée.

Clairement, un lourd pessimisme s'installe.

Le Canada a toujours 900 militaires là-bas, qui ont notamment pour tâche de former les forces de sécurité de ce pays. Ils font certainement tout ce qu'ils peuvent, comme les 39 500 Canadiens et Canadiennes qui, depuis une décennie, ont servi en Afghanistan (158 en sont morts). Mais peuvent-ils réussir?...

Peut-être est-ce maintenant le temps de penser davantage au bien-être de nos vétérans, dont des centaines sont revenus blessés physiquement ou psychologiquement de là-bas.