Il lui manquait un ours. Après une journée sans résultat, Corinne a vu ses compagnons de chasse retourner chez eux, mais elle a décidé de retourner seule dans la forêt avec son arc, plutôt que sa Browning 30-06. Elle a déjà fait du tir à l'arc de compétition, son sport préféré.

«On commence par mettre des appâts, on se cache, on reste silencieux, on ne bouge plus et on attend. J'étais en chasse par terre, c'est-à-dire sans cache ni grimpée dans un arbre. L'ours est arrivé. Il était curieux, les ours ne sont pas agressifs. Je me trouvais entre les appâts et lui, à trois mètres de distance. J'ai fait un petit mouvement avec mon bras pour qu'il sache qu'il y avait quelque chose. Il m'a contournée et il est allé se nourrir.

«C'était un jeune ours, alors j'ai décidé de ne pas tirer. Je savais qu'il y avait un gros ours dans les parages, nous l'avions capté sur vidéo, et c'est celui-là que je voulais. J'ai donc campé pour la nuit. Le lendemain, le même ours est revenu. J'étais à environ 12 mètres de lui, j'ai tiré dans la zone vitale, coeur-poumon-foie. La flèche est passée à travers lui et elle est ressortie intacte. Il a marché environ 30 mètres et il est tombé.

«Je l'ai vidé dans le bois, il faut toujours vider l'animal. J'étais seule pour le transporter, mais il faut savoir se débrouiller. J'avais pensé à apporter une brouette de jardin dans mon camion. Je l'ai transporté seule, il pesait environ 150 livres. Un boucher l'a dépecé et on l'a mangé, c'est une excellente viande. On ne perd rien, il n'y a jamais de gaspillage.

«Je garde la peau, le crâne et les griffes...»

C'est ainsi que Corinne Gariépy, 31 ans, a réalisé son «grand chelem», le rêve de tout chasseur: un orignal à Matane, un chevreuil (en fait, deux en 30 minutes) dans l'île d'Anticosti, un caribou à Radisson et un ours dans le parc de la Mauricie. Tout ça en une saison de chasse.

«J'ai pensé au grand chelem quand j'ai récolté le caribou [les vrais chasseurs disent récolter, ils évitent tuer, abattre, descendre...]. C'est la chasse la plus compliquée. J'étais à environ 500 pieds de lui quand j'ai tiré. Il faisait -35 degrés, on n'enlève pas ses mitaines sans avoir une bonne raison. Neuf cents kilomètres en trois jours à LG2... Tout était gelé, les cagoules et les visières... Une des motoneiges est tombée en panne... C'était difficile, mais je recommencerais demain.

«Dans le cas de l'ours, c'était la dernière journée de la saison de chasse, le 30 juin. Je n'avais pas le choix.

«Le gros ours adulte que je n'ai pas rencontré aurait pu être plus agressif. On le sait quand ses oreilles baissent et que son poil se dresse. Il grogne et il claque des dents. Il faut reconnaître ces signes. Je n'ai jamais eu assez peur pour me remettre en question. On me reproche parfois de ne pas avoir assez peur.»

Famille de chasseurs

Corinne, 31 ans, est née dans une famille de chasseurs. Elle a pris la relève de son père et tient une boutique de chasse et pêche à Prévost, L'Aviron. Son année de grand chelem lui a coûté environ 7000$ en dépenses. Elle était conférencière au salon de la chasse et de la pêche le week-end dernier au centre-ville.

Elle a un chum... «Il est guide de chasse dans l'île d'Anticosti. On s'est rencontrés dans la forêt, pendant une chasse à l'ours.»

Une chasse à la perdrix, ça ne vous dirait rien? Elle rit.

«Non, ça m'allume moins. Ce serait comme une marche en forêt. J'ai déjà chassé la perdrix, le lièvre avec des collets, j'ai trappé le castor pour dépanner des gens qui avaient des problèmes avec eux. On appelle ça de la déprédation.

«J'aime le contact avec l'animal et le déroulement de la chasse. Des fois, on dirait que je l'entends penser et respirer. Je cherche toujours à apprendre. Si un de mes compagnons abat un animal, je suis contente pour lui.

«Je considère la mort comme une conséquence malheureuse. Si je reviens de chasse les mains vides, je suis aussi contente que lorsque je récolte.

«Je n'aime pas les chasseurs qui font un trip de pouvoir sur l'animal. Ceux qui veulent avoir le dessus sur lui et qui sont agressifs. Ceux qui veulent seulement le trophée ou qui se défoulent. Ce n'est pas noble.

«Il y a parfois des personnes qui me reprochent de tuer des animaux. Je les laisse parler. Quand ils ont terminé, je leur demande s'ils sont végétariens, s'ils mangent des oeufs... Je n'ai aucun remords, je suis sereine là-dedans.»

Près de chez vous

Corinne passera peut-être près de chez vous avec ses vidéos, dont celles de l'ours et du caribou, pour une «soirée des chasseurs», une rencontre de discussion et d'animation. Elle sera à Saint-Jérôme (7 mars), à Laval (5 avril), à Québec (29 mars) et à Edmundston, au Nouveau-Brunswick (31 mars). Elle sera accompagnée de Michel Therrien, pas le coach, mais un des chasseurs les plus réputés du Québec. Des détails sur le site chassequebec.com.

Corinne est très intéressante quand elle parle de sa passion. Et vous conclurez peut-être, comme moi, que Sylvester Stallone peut aller se rhabiller...

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Corinne Gariépy pose avec le panache d'orignal de 51 pouces qu'elle a «récolté» à Matane. Elle fait une tournée du Québec pour parler de sa passion.