En 1981, le ménage à revenu moyen devait débourser environ 65% de son revenu disponible (après ponction des impôts) pour acquérir une propriété. Aujourd'hui, il lui en coûte moins de 30% de son revenu disponible pour voir son rêve devenir réalité. Comme quoi l'accessibilité à la propriété est aujourd'hui nettement plus grande qu'il y a une trentaine d'années.

Comment explique-t-on un tel écart d'accessibilité à la propriété alors que le prix des maisons a si fortement monté au fil des décennies? Non, ce n'est pas fondamentalement en raison de l'augmentation des salaires, même si ça compte!

La vraie raison derrière cette plus grande accessibilité repose sur les faibles taux d'intérêt hypothécaires. Alors qu'on peut aujourd'hui obtenir une hypothèque d'un terme de cinq ans au taux de 4,4% ou moins, la même hypothèque coûtait en 1981 un gros 20% d'intérêt.

Comme les taux hypothécaires devraient rester à un assez faible niveau durant quelques années encore, l'économiste principal de la Financière Banque Nationale, Matthieu Arseneau, estime que les craintes d'une baisse imminente des prix des propriétés résidentielles au Canada sont surfaites. Il fait entre autres allusion aux signaux d'alerte que le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, et le ministre des Finances, Jim Flaherty, ont lancés récemment devant le niveau élevé d'endettement des Canadiens et la hausse des prix des maisons.

Comme le prix des maisons au pays est actuellement 13% plus élevé que lors du sommet d'avant la récession, M. Arseneau convient que c'est en soi «une performance hors du commun» dans les pays industrialisés. Et c'est ce qui explique, dit-il, pourquoi plusieurs observateurs trouvent insoutenable la longévité de cette hausse de prix au Canada. À titre de comparaison, aux États-Unis, le prix des maisons a chuté de 33,5% par rapport au niveau d'avant la crise immobilière.

«Déjà en mars 2011, rappelle M. Arseneau, le Wall Street Journal dans un article intitulé «Housing Booms North of the Border» affirmait que certains économistes considéraient que le marché (canadien) était mûr pour une correction. En novembre dernier, dans un article intitulé «House of horrors», The Economist en a rajouté en affirmant que les prix des logements au Canada étaient surévalués de plus de 25%. Tout récemment, Demographia a affirmé dans une comparaison internationale que Montréal, Toronto et Vancouver étaient des villes où le logement était gravement inaccessible.»

Mais selon ses calculs, l'économiste estime que ces craintes des observateurs sont non fondées. Et voici son argumentation, en tenant pour acquis qu'on finance entièrement la propriété, aux fins de l'exercice comptable, s'entend.

Pour acquérir actuellement une propriété résidentielle au prix moyen (342 374$), le ménage canadien à revenu moyen (78 468$ après impôts) doit débourser 28,7% de son revenu disponible. Ce ratio, affirme l'économiste, est à un niveau inférieur à la moyenne observée depuis 1997, laquelle moyenne affiche un ratio de 28,9%. Lors du sommet des prix des propriétés résidentielles de 2007, le ratio atteignait 35,1% du revenu disponible.

Le ménage montréalais, en dépit d'un revenu disponible inférieur (66 477$), dispose d'une plus grande marge de manoeuvre pour acquérir une propriété. La raison? Comme le prix moyen de la propriété est plus faible (278 534$), l'hypothèque est forcément plus petite.

Ainsi, un emprunt hypothécaire de 278 534$, amorti sur 25 ans, à un taux de 4,38% (terme de 5 ans), revient au ménage montréalais à un coût mensuel de 1529$, soit 27,6% de son revenu mensuel disponible (5540$).

C'est 351$ de moins par mois que ce qu'il en coûte par mois au ménage canadien moyen. Ce dernier doit débourser mensuellement 1880$ (sur un revenu disponible de 6539$ par mois) pour se payer une propriété au prix moyen de 342 374$.

Outre la faiblesse des taux hypothécaires, il y a deux autres facteurs qui jouent, selon Matthieu Arseneau, en faveur du marché immobilier canadien, soit la relative bonne performance du marché du travail et le taux de croissance de la population des 20-44 ans au cours de la période de 2010 à 2015. On parle d'un taux de croissance de 4,2% pour cette tranche de la population où on retrouve la «cohorte» des acheteurs d'une première maison.

Aussi optimiste soit-il, l'économiste principal de la Financière Banque Nationale tient tout de même à préciser qu'une correction imminente des prix des logements est peu probable pour autant que l'expansion de l'économie canadienne ne soit pas compromise par une crise du crédit mondiale.

Autre mise en garde. «Une accélération des prix à partir de maintenant pourrait être, dit-il, le signe d'une activité spéculative non désirable. Les ménages canadiens ont profité d'un effet richesse immobilier substantiel au cours de la dernière décennie, mais les conditions sont moins propices aux gains au cours des prochains 10 ans étant donné la hausse probable des taux d'intérêt et une démographie appelée à devenir moins favorable.»

Qu'on se le tienne pour dit!