Personne ne peut reprocher à Scott Gomez le contrat ridicule de 51,5 millions pour sept ans que les Rangers lui ont offert en 2007, pour le convaincre de quitter le New Jersey et de s'installer de l'autre côté du fleuve Hudson. Vous auriez voulu qu'il dise quoi: «C'est bien trop, je vais me contenter de la moitié!»

On peut reprocher à Bob Gainey - et on le lui reprochera très longtemps - d'avoir bêtement libéré les Rangers de ce fardeau financier. Mais on ne peut fustiger Gomez parce qu'il empoche 7,5 millions cette année et que 10 autres millions de huards l'attendent lors des deux prochaines années.

Pourquoi alors Randy Ladouceur, deux fois plutôt qu'une, a-t-il lapidé Scott Gomez de critiques au beau milieu de l'entraînement, hier matin à Brossard?

Parce que la farce a assez duré.

Une petite gêne

Que Gomez ait plus peur de la fin du monde que de la fin du mois, passe toujours. Qu'il soit réduit à un rôle de quatrième ordre au sein d'un quatrième trio qu'il partage avec Andrei Kostitsyn, l'autre paria du Tricolore par les temps qui courent, passe aussi. Plus difficilement, mais ça passe quand même.

Ce qui ne passe pas, mais alors là pas du tout, c'est le je-m'en-foutisme de Gomez, qui s'est montré incapable d'exécuter un exercice que les entraîneurs venaient d'expliquer au tableau. Et ce qui fait déborder la coupe, c'est de faire dérailler l'entraînement comme Gomez l'a fait hier matin et d'afficher en prime un grand sourire niais plutôt qu'une gêne qui aurait été beaucoup plus appropriée.

S'il n'a pas à être gêné de son salaire et s'il arrive à camoufler sa gêne d'afficher un seul but et huit points - des statistiques identiques à celles de Hal Gill en passant - depuis le début de l'année, Gomez ne peut se permettre d'être un élément discordant au sein de l'équipe. Déjà qu'il est un boulet financier, il n'a pas le droit d'être un boulet sur la patinoire, sur le banc, dans le vestiaire. Randy Ladouceur le lui a rappelé avec véhémence hier.

Normalement, c'est l'entraîneur-chef qui pique les colères. C'est lui qui hache finement ce qui reste de confiance et de fierté aux jeunes, aux moins jeunes et aux vétérans qu'il a décidé de viser pour faire passer son message. Normalement, l'adjoint passe derrière. Il ramasse les morceaux. Avec patience et psychologie, il les recolle afin de rebâtir pièce par pièce celui qui vient de passer à la déchiqueteuse.

Le fait que Randy Ladouceur ait troqué son rôle de nounou pour celui de tortionnaire alors que le boss, Randy Cunneyworth, suivait la scène au milieu des joueurs qui fixaient la glace pour éviter de s'offrir en cible démontre une fois encore que le Canadien et la normalité ne font pas équipe cette année.

Suite des choses

Observateur hier, Randy Cunneyworth devra agir aujourd'hui. La logique voudrait qu'il appuie son adjoint - qui est aussi un complice - et qu'il chasse Gomez de la formation en vue du match de ce soir face aux Bruins.

De la façon dont il les a utilisés lors des derniers matchs, Cunneyworth pourrait envoyer Gomez et Andrei Kostitsyn sur la galerie de presse. Il s'agirait toutefois d'une solution temporaire.

Mais si Gomez devient un élément perturbateur dans le vestiaire - ce qu'il n'a jamais été depuis qu'il est débarqué à Montréal, assurent plusieurs joueurs du Tricolore -, ce sera au directeur général Pierre Gauthier de prendre les choses en mains.

Que faire? Soumettre Gomez au ballottage et l'envoyer ensuite à Hamilton. À moins qu'il soit réclamé par l'une ou l'autre des 29 équipes qui pourraient l'obtenir gratis... ou presque. Les chances que Gomez soit réclamé au ballottage étant aussi minces que celles du Canadien d'accéder aux séries, il s'envolerait donc vers Hamilton. Gomez devrait alors y compléter sa saison. Car dans l'éventualité d'un rappel, le Canadien pourrait le perdre au ballottage de retour dans la LNH avec, comme conséquence, d'avoir à payer la moitié de son salaire pour les deux prochaines saisons. Remarquez que ce serait peut-être une bonne affaire...

C'est l'été prochain que le Canadien devra régler le dossier Gomez pour de bon.

Comment? Le rachat sera toujours une possibilité.

Le meilleur scénario serait toutefois qu'une équipe décide de l'acquérir... pour pas cher. Pourquoi? Parce que s'il recevra 5,5 et 4,5 millions en salaire lors des deux prochaines saisons, Gomez accaparera 7 357 143 gros dollars sur la masse salariale, permettant ainsi à une équipe pauvre - il y en a plusieurs dans la LNH - d'atteindre le plancher salarial pour une fraction du prix. Une grosse fraction, mais une fraction quand même.

Pour que ce scénario se réalise, il faudrait d'abord qu'il y ait une saison l'an prochain. Ce qui est loin d'être acquis.

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