L'IREC (Institut de recherche en économie contemporaine) a réalisé une étude qui démontre noir sur blanc que les économies d'impôt accordées aux actionnaires des deux fonds syndicaux sont sans commune mesure avec celles que les deux niveaux de gouvernement octroient à titre de déductions et d'exemption sur les gains en capital.

Le traitement de faveur accordé sur les gains en capital (seulement la moitié est imposable) entraîne des dépenses fiscales 6,7 fois plus élevées que les crédits d'impôt alloués aux fonds de travailleurs.

L'étude, dont La Presse a obtenu copie, révèle que les actionnaires des deux fonds de travailleurs se sont partagé au cours des six dernières années des économies d'impôt totales (fédéral et provincial) de 1,3 milliard de dollars. Le montant des économies d'impôt octroyées aux contribuables québécois qui ont déclaré des gains en capital totalise pour la même période près de 8 milliards, soit six fois l'aide fiscale consentie aux actionnaires des deux fonds de travailleurs.

Avec cette étude, l'IREC souhaite fermer la trappe aux analystes et commentateurs qui dénoncent les crédits d'impôt offerts par les fonds de travailleurs, soit le Fonds de solidarité de la FTQ et Fondaction de la CSN.

«Leur position idéologique (celle des détracteurs) est bien connue, précise l'auteur de l'étude, l'économiste Gilles L. Bourque. Ce qu'ils dénoncent, c'est l'État interventionniste qui offre des incitatifs fiscaux pour favoriser un groupe particulier, en l'occurrence le mouvement syndical, qu'ils ne souhaitent pas voir reconnu comme un acteur du monde financier.»

Sous le couvert de la science économique et de l'expertise comptable, ajoute M. Bourque, les détracteurs prétendent démontrer les coûts abusifs de cette dépense fiscale et son inutilité économique. Ayant déjà travaillé à Fondaction de la CSN, M. Bourque en a manifestement ras le bol des attaques dirigées contre le soi-disant traitement de faveur fiscal dont bénéficient les deux fonds de travailleurs.

Pour démolir les «prétentions» des détracteurs, l'économiste Bourque a comparé trois grandes dépenses fiscales qui sont effectuées par les deux gouvernements, soit le coût fiscal des crédits d'impôt des fonds de travailleurs, le coût fiscal de l'imposition partielle des gains en capital (seule la moitié des gains est imposable), et le coût fiscal de la déduction pour gains en capital encaissés avec les actions de PME privées, les biens agricoles...

Pour les années allant de 2005 à 2010, les gouvernements ont alloué aux actionnaires des Fonds FTQ et CSN des économies d'impôt de 1,3 milliard, soit 628 millions du fédéral et 654 millions du provincial. L'écart s'explique par le fait que le fédéral octroie un crédit d'impôt de 15% alors que Québec donne un crédit de 15% au Fonds FTQ et un crédit de 25% à Fondaction.

Pour la même période de six années, les investisseurs québécois ont bénéficié d'une réduction d'impôt sur les gains en capital d'investissements qui leur valu une économie d'impôt totale de 6,1 milliards, soit 3,5 milliards du gouvernement fédéral et 2,6 milliards du gouvernement du Québec.

S'ajoute à cela la déduction pour gains en capital réalisés par les exploitants de petites entreprises privées et d'entreprises agricoles. Sur ce plan, le gouvernement du Québec rapporte pour les années 2005 à 2010 des dépenses fiscales totales de 913 millions de dollars. Par extrapolation, on peut affirmer qu'il en est sensiblement de même pour le gouvernement fédéral. Ce qui donne des économies d'impôt totales de 1,8 milliard pour ces exploitants d'entreprises privées.

Dans son plaidoyer en faveur des fonds de travailleurs de la FTQ et de la CSN, M. Bourque tient à rappeler que le nombre d'actionnaires québécois qui bénéficient annuellement des deux alléchants crédits d'impôt est imposant. Prenons pour exemple l'année 2008. Il y avait 267 000 contribuables qui se sont partagé 208 millions de crédits d'impôt pour fonds de travailleurs, ce qui donne un rabais d'impôts de 779$ par tête d'actionnaire. Notons que 42% des actionnaires des deux fonds gagnaient moins de 50 000$ et 49% entre 50 000$ et 100 000$.

Pour la même année de comparaison, il y avait 296 000 contribuables québécois qui ont bénéficié d'économies d'impôt de 848 millions sur leurs gains en capital. On parle ici d'un cadeau fiscal (économies d'impôt) de 2865$ par tête d'investisseur.

C'est au niveau de la déduction pour gains en capital encaissés par les exploitants de petites entreprises que les cadeaux fiscaux sont les plus généreux. Par tête s'entend. En 2008, moins de 11 000 contribuables québécois se sont partagé environ 160 millions d'économies d'impôt. Ce qui donne une aide fiscale de 14 545$ par tête d'entrepreneur. Quelque 40% des entrepreneurs gagnaient plus de 100 000$.

En termes de retombées, l'économiste Bourque est sans équivoque. Il y a bien entendu l'accessibilité à l'épargne-retraite alors que les fonds de travailleurs attirent beaucoup de gens à revenu moyen. Et il ne fait pas de doute que les investissements directs dans les PME québécoises effectués à même les cotisations annuelles des actionnaires des deux fonds de travailleurs génèrent à eux seuls des retombées majeures au niveau de l'emploi, du financement et de la croissance de nos PME.

Dans son étude, M. Bourque recommande finalement aux gouvernements d'Ottawa et de Québec de réduire les économies d'impôt accordées sur les gains en capital. Comment? En imposant non pas seulement la moitié des gains, mais au moins les trois quarts (75%). Mais idéalement, il préconise l'abolition totale du traitement de faveur envers les gains en capital. Le revenu de gains en capital deviendrait pleinement imposable, comme c'est le cas avec le revenu d'emploi.

Voilà une recommandation qui va attiser de nouveau la critique des détracteurs du Fonds de solidarité et de Fondaction.