Les gens qui vivent ou travaillent autour du parc Jarry ont l'habitude de voir des personnes marcher dans le vide au-dessus des champs de neige. On croirait des acrobates sur des fils de fer, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Il s'agit d'un sport en soi, appelé le slackline et développé en Californie par des escaladeurs dans les années 70.

Vous en avez vu un des principaux adeptes, Andy Lewis, aux côtés de Madonna lors du spectacle de la mi-temps au Super Bowl.

Dans le quartier Villeray où il habite depuis quatre ans, Pierre Carrillo, un Californien de 25 ans et un ami de Lewis, offre des démonstrations et des cours, il loue des équipements à des écoles, à des groupes, à des particuliers, bref, ce jeune homme a décidé de gagner sa vie avec le slackline. Il est installé dans un entrepôt en face du parc.

Et si vous trouvez bizarre qu'un Californien s'appelle Pierre, sachez que sa mère, Chantal Boulet, qui vit en Californie, est originaire de l'Estrie. Et que son fils parle français...

«Je venais passer mes étés sur la ferme familiale en Estrie. Je ne connaissais pas Montréal, maintenant, c'est ma ville. J'aime beaucoup vivre ici.»

Il faut voir Pierre installer son slackline au parc Jarry, une longue opération. Il marchera ensuite dans le vide tout l'après-midi sur un ruban de polyester large d'un pouce.

«Le ruban de polyester est en fait un équipement des escaladeurs, du même matériau que leurs sangles. Pour s'amuser à la fin de la journée, ils attachaient des sangles à des arbres et marchaient dessus pour développer leur équilibre, le contrôle de leur corps, leur force aussi... Si vous suivez mon cours, nous commençons toujours par du yoga parce qu'il faut d'abord être très calme pour marcher sur un fil... Nous faisons de la méditation, des exercices spécifiques pour chaque partie du corps et des exercices pour développer notre force.»

Le slackline de Pierre faisait 100 mètres hier et on pouvait le voir flotter d'un arbre à l'autre sous un soleil aveuglant au-dessus d'un champ de glace. Son copain Julien avait une sangle plus courte.

C'est un des avantages du slackline. Pour 100$, vous êtes équipés pour faire vos premiers pas dans le vide. Suffit de trouver deux arbres ou deux poteaux assez solides.

Pierre porte des souliers légers d'arts martiaux. «C'est ce qu'il y a de mieux sur un slackline.

«Et vous pouvez facilement transporter votre équipement. Le fil de fer, qui existe depuis très longtemps, est beaucoup trop lourd.»

Le vertige...

On ne commence pas, bien sûr, entre deux gratte-ciel du centre-ville, mais à deux ou trois mètres du sol. Pierre a marché à 20 mètres du sol lors de l'événement Montréal complètement cirque à la place Émilie-Gamelin. Sans filet protecteur, mais attaché au slackline en cas de raté.

Pourquoi choisir le slackline, Pierre?

«Nous sommes quatre frères et j'ai toujours été le seul à avoir peur des hauteurs. Je n'allais pas dans les manèges et mes frères se moquaient de moi. J'avais un peu honte de mon vertige. Un jour, j'ai vu un gars marcher sur un slackline à 3000 pieds d'altitude dans le parc Yosemite, en Californie. J'ai décidé de régler mon problème. Avec le temps, j'ai réussi cet exploit à 3000 mètres du sol, au même endroit. C'était vraiment épeurant...»

Pierre a présentement une quinzaine d'étudiants, «de 16 à 68 ans, toujours autant de filles que de gars», et il s'entraîne à l'École nationale du cirque, près du TOHU. Son copain Julien est un artiste de cirque aussi.

«Je me suis blessé une seule fois, nous dit Pierre, c'était il y a deux ans. À cette époque, j'ai fait des démonstrations en Pologne. Ma famille m'a toujours encouragé. Personne ne croit que je suis fou...»

Les gens qui passaient sur le trottoir hier regardaient par contre avec un peu d'étonnement ces deux garçons sur un fil au milieu des arbres du parc Jarry. Julien nous dit que c'est comme faire de la méditation tellement il faut être calme et concentré.

Il n'y a pas eu de volontaires hier, mais si jamais ça vous dit, aventuriers que vous êtes, visitez le site lovenbalance.com ou téléphonez à Pierre au 514-606-3518.

Photo: André Pichette, La Presse

Pierre Carrillo donne des cours de slackline à Montréal. Il tend souvent son ruban de polyester entre deux arbres au parc Jarry.