La première semaine de février aura marqué, officieusement, le coup d'envoi de la campagne électorale. En l'espace de quelques jours, les trois principaux partis, par leurs prises de position et leurs engagements, ont cherché à préciser leur image et à se positionner dans l'affrontement qui s'en vient.

La CAQ s'est mieux campée à droite, en promettant de rouvrir les ententes avec les omnipraticiens et les enseignants, provoquant chez ces derniers une prévisible et vive réaction. François Legault s'est aussi distingué en rappelant que l'environnement n'était pas une priorité pour lui et en annonçant «une réflexion d'affaires» sur la question, une hérésie dans bien des milieux.

Le PLQ, de son côté, s'installe bien au centre. Le premier ministre Jean Charest a promis de verdir le Plan Nord, pendant que ses ministres s'indignaient des excès de la CAQ, dont le discours ressemble pourtant à celui des libéraux à l'aube de leur premier mandat.

En toute logique, cette réorganisation de l'échiquier politique forçait le Parti québécois à réaffirmer davantage son identité social-démocrate. Mais on ne pouvait pas imaginer que Pauline Marois s'éloignerait autant du centre qu'elle ne l'a fait. En promettant d'abolir les hausses des droits de scolarité et de les regeler. Et surtout, avec un engagement qui consiste essentiellement à faire payer les riches, Mme Marois a placé son parti plus à gauche qu'il ne l'a jamais été dans son histoire.

Le projet fiscal de Mme Marois repose pourtant sur deux bonnes idées. D'abord en s'attaquant à la taxe santé de 200$ par personne, cette mesure libérale qui a suscité bien des réactions négatives en raison de son caractère régressif. Tous les Québécois, sauf les plus pauvres, paient le même montant, indépendamment de leurs revenus.

Le PQ détenait là un bon filon. Pour corriger la situation, il lui suffisait de rendre cette taxe plus progressive. Mme Marois a choisi d'abolir carrément cette taxe, en présentant la mesure comme «une annonce importante pour les familles québécoises», une formulation populiste qui ressemble étrangement à celle des conservateurs de Stephen Harper.

Et pour compenser les sommes importantes dont il se priverait, 950 millions, un gouvernement péquiste solliciterait les contribuables les plus riches. Encore là, le PQ pouvait avoir un bon point, parce qu'il y a une certaine marge de manoeuvre au haut de l'échelle.

Le système fiscal québécois ne compte en effet que trois niveaux d'imposition. Le plus élevé, 24%, s'applique à partir de 80 200$: tous les revenus au-delà de ce seuil sont imposés à ce même taux. L'impôt fédéral comporte un quatrième taux, de 29%, pour les revenus au dessus de 132 400$. Le Québec pourrait fort bien imiter Ottawa. C'est ce que Mme Marois a fait en promettant d'instaurer un quatrième taux d'imposition de 28% pour les revenus supérieurs à 130 000$.

Mais le PQ ne s'est pas arrêté là. Il promet un cinquième taux, de 31%, pour les revenus supérieurs à 250 000$. Et surtout, il ferait passer de 50% à 75% le taux d'imposition des gains de capitaux et réduirait de moitié les déductions pour dividendes.

La ponction pour les contribuables à revenus élevés devient significative. Assez pour faire fuir des riches, qui sont, rappelons-le, trois fois moins nombreux qu'en Ontario. Et surtout, cela modifierait l'équilibre de la fiscalité reliée à l'investissement et à l'épargne, assez pour isoler carrément le Québec au plan fiscal, et engendrer des effets économiques très sérieux.

Il y a, dans cette promesse, un manque de sens de la mesure qui caractérise souvent les prises de position de Mme Marois. Et un étrange choix politique, un pari de gauche qui risque de marginaliser le PQ, comme si ce parti avait renoncé à prendre le pouvoir.