C'était il y a un an, presque jour pour jour. Nous étions assis un midi dans un restaurant d'Outremont pour un repas relax et François Legault, jeune futur ex-retraité de la politique, m'expliquait les grandes lignes de son programme politique en gestation.

Il restait bien des détails à étudier, soupeser, évaluer avant de transformer officiellement ces grandes lignes en un programme de parti, mais deux choses étaient très claires: il allait proposer des changements radicaux dans l'organisation du travail et dans la rémunération des enseignants et des omnipraticiens.

Il savait d'ailleurs que cela allait provoquer une tempête. Il le savait et il le souhaitait, même.

«Je m'attends à me faire batter par les syndicats d'enseignants et par les médecins», m'a-t-il dit, déterminé à aller de l'avant.

Depuis que la CAQ est officiellement devenue un parti, en novembre, les réactions ont été plutôt sobres. J'ai comme l'impression que François Legault attendait impatiemment la fronde qui tardait à venir, ce pour quoi il a lancé un grand coup de gueule, lundi à Québec, promettant de rouvrir les conventions collectives des enseignants et des omnipraticiens dans les 100 premiers jours d'un gouvernement caquiste.

Cette fois, la réplique n'a pas tardé: selon Louis Roy, de la CSN, M. Legault se disqualifie comme chef de gouvernement. Son collègue Réjean Parent, de la CSQ, prévient que le «semeur de vent va récolter la tempête».

Le chef de la CAQ a contre-attaqué en accusant M. Parent «d'abaisser le débat et de faire des attaques personnelles» et d'entretenir des «vieux dogmes syndicaux».

Le ton est donné pour la prochaine campagne électorale.

En demandant aux Québécois de lui accorder un mandat fort pour instaurer ces changements en éducation et en santé, M. Legault renvoie dos à dos électeurs et syndiqués. En ces temps économiques incertains, cela peut s'avérer rentable politiquement auprès de ceux qui pensent que les syndicats en mènent trop large.

Il reste à voir, toutefois, si une majorité de Québécois sera prête à suivre M. Legault dans sa croisade antisyndicale, lui qui en fait un test de légitimité.

François Legault n'est pas le premier à proposer des réformes en profondeur qui heurtent de front les syndicats. Ceux qui s'y sont risqués au cours des dernières années se sont cassé les dents. Jean Charest s'est avancé sur ce terrain, en 2003, avec sa «réingénierie», mais il a dû reculer. Mario Dumont, en 2003, puis en 2008, a aussi sonné la charge contre l'establishment syndical, avec le résultat qu'on connaît.

Pourquoi une telle attaque de François Legault maintenant? Pourquoi 100 jours? Pourquoi promettre de rouvrir des conventions collectives?

D'abord pour relancer la CAQ, qui perd du terrain depuis quelques semaines et qui a souffert de l'arrivée de transfuges. François Legault veut reprendre son image d'homme de changements, d'action, de résultats. Accessoirement, sa sortie de lundi relaie au second rang les critiques sur le financement de la CAQ.

Mais il y a une autre raison, plus fondamentale: François Legault est sorti amer de son premier passage en politique. Il estime avoir échoué à changer les choses en santé et en éducation, notamment à cause de la résistance des grandes centrales syndicales. S'il retourne en politique, c'est pour finir ce qu'il a commencé dans les gouvernements de Lucien Bouchard et de Bernard Landry.

Sa sortie tonitruante n'a pas réveillé que les chefs syndicaux, elle a aussi engagé les hostilités électorales.

Les libéraux ont lancé la machine (collecte de fonds, investitures, préparation électorale). Ils affûtent aussi leurs couteaux, accusant François Legault de vouloir tout détruire et Pauline Marois d'être une menace à l'économie. Hier, pas moins de trois ministres ont donné la réplique à François Legault et un quatrième, Raymond Bachand, s'en est pris à la promesse de Pauline Marois d'abolir la «taxe santé».

Le Parti québécois n'est pas en reste, attaquant aussi les projets de François Legault et se positionnant comme le parti des familles. L'engagement d'abolir la taxe santé était clairement électoral. Le PQ s'est aussi engagé récemment à geler les droits de scolarité, une position appréciée des étudiants qui risquent de déclencher la grève dans les prochaines semaines.

Québec solidaire est aussi très actif, sur Twitter, mais aussi dans certaines circonscriptions, comme Gouin, où se présentera Françoise David.

On ne sait pas quand aura lieu le prochain scrutin, mais la fenêtre printanière est ouverte. Mieux vaut vous y faire, nous sommes bel et bien en campagne électorale. Bonne campagne. Elle s'annonce dure.