Dan Bylsma convient qu'il a eu un brin la trouille lorsque Ray Shero, directeur général des Penguins de Pittsburgh, a pris un pari risqué en lui confiant sa jeune équipe de surdoués le 15 février 2009.

Un pari osé si l'on considère qu'il ne restait que 25 matchs à disputer en saison régulière. Très osé même puisque Bylsma n'affichait que 55 matchs d'expérience comme entraîneur-chef dans la Ligue américaine. À titre de comparaison, Randy Cunneyworth comptait 720 matchs d'expérience à titre d'entraîneur-chef dans la Ligue américaine avant de se joindre au Canadien.

Un pari qui a toutefois rapporté gros. Très gros. Le gros lot en fait. Bien préparés par Michel Therrien qui s'était rendu en finale de la Coupe Stanley l'année précédente, les Penguins ont permis à Bylsma de terminer la saison régulière avec 18 victoires lors des 25 derniers matchs (18-3-4).

La suite a permis de réécrire l'histoire de la LNH: au terme d'une revanche contre les Red Wings de Detroit, Sidney Crosby est devenu le plus jeune capitaine de l'histoire à soulever la Coupe Stanley. Bylsma a embrassé la précieuse coupe après 49 matchs seulement derrière le banc des Penguins.

Équité avant égalité

Ces succès retentissants ont aidé Bylsma à composer avec les craintes qui le tenaillaient en arrivant dans l'igloo qui servait alors de domicile aux Penguins. Mais il ne savait toujours pas comment faire avec des vedettes comme Evgeni Malkin et Sidney Crosby.

«Je ne m'en suis jamais rendu compte, a indiqué Crosby après l'entraînement des Penguins au Centre Bell hier. La preuve, c'est qu'il m'a toujours traité sur les mêmes bases que tous les autres joueurs. C'est certainement l'une de ses plus belles qualités.»

Crosby a raison. En partie. Car bien qu'il tende à traiter tous ses joueurs d'une façon équitable, Bylsma assure qu'il est impossible de tous les traiter de façon égale.

«Je ne connais pas un coach qui veut voir un de ses joueurs perdre la rondelle à la ligne bleue ou tenter des jeux trop risqués, voire impossibles. Mais Sidney et «Gino» (Evgeni Malkin) ne sont pas des joueurs ordinaires. Je les ai rencontrés. Nous avons dressé des scénarios où il fallait respecter la logique et d'autres fois l'étirer un peu. Des fois beaucoup. Ils ont plus de latitude que les autres. Steve Sullivan, à 37 ans, n'est pas traité de la même façon qu'une recrue comme Simon Després. Mais attention! Pas question de balayer sous le tapis les erreurs des vedettes et de sévir seulement à l'endroit des cols bleus. Ils ont tous droit au même respect. Qu'il s'agisse d'un réserviste ou de Sidney.»

Cette notion de respect est d'ailleurs la pierre angulaire des succès de Bylsma à la barre des Penguins.

«Pour qu'un entraîneur s'assure de faire passer son message, il doit compter sur le respect des joueurs. Dan l'a acquis et il le maintient en respectant tous les gars de l'équipe. Il est dur. Exigeant. Il veut gagner. Mais le lendemain d'une défaite, il est positif. Il nous relance», explique Brooks Orpik.

«Il connaît les joueurs mieux que nous nous connaissons entre nous. Il connaît le nom de nos épouses, de nos enfants, de nos chiens. Il peut nous surprendre avec un voeu de bonne fête pour quelqu'un de notre famille. Une preuve qu'il croit ce qu'il dit quand il insiste sur le fait que nous sommes une famille avant d'être une équipe. Ça explique pourquoi nous jouons tous pour lui et pourquoi nous avons du succès, malgré les absences de joueurs importants depuis deux ans», ajoute le vétéran défenseur.

Bylsma est aussi un professeur qui sait se faire comprendre et qui s'assure que ses élèves réussissent.

«Il ne se contente pas de donner des ordres. Il parle. Il explique. J'ai plus appris au cours des 3 dernières années sous ses ordres que lors de mes 10 premières années dans la Ligue. Je ne lui ai pas encore pardonné la mise en échec qui m'oblige à porter une orthèse au genou droit. On s'obstine d'ailleurs encore tous les jours pour savoir si c'était un coup légal ou non, mais je n'ai jamais joué pour un aussi bon entraîneur», a lancé Matt Cooke, qui aide maintenant la cause des Penguins avec des points et pas seulement avec ses poings.

De plombier à entraîneur

S'il n'avait que 55 matchs d'expérience à titre de coach lorsqu'il est arrivé à Pittsburgh, Dan Bylsma comptait 13 saisons dans les rangs professionnels à titre de joueur. Treize saisons au cours desquelles il a fait le saut entre les ligues mineures et la LNH où il a disputé 429 matchs (62 points, dont 19 buts) avec les Kings de Los Angeles et les Mighty Ducks d'Anaheim.

Cette carrière de hockeyeur a d'ailleurs façonné sa philosophie d'entraîneur. «Si j'avais simplement voulu marquer des buts, je serais demeuré dans la Ligue de la Côte Est où je marquais à profusion. C'est la Ligue nationale qui m'intéressait. J'ai donc pris les moyens pour m'y rendre et y rester. J'ai accepté d'être un joueur défensif, de me sacrifier, de faire ce que je devais faire pour aider mon équipe», explique Bylsma.

«Je ne dirige pas comme je jouais. J'ose croire que je suis un meilleur entraîneur que j'étais joueur. Mais j'exige que tous les gars donnent à l'équipe ce que l'équipe est en droit d'attendre d'eux.»

Cette philosophie semble fonctionner. Car au-delà de la conquête de la Coupe Stanley il y a bientôt trois ans, les Penguins ont réalisé des exploits en se maintenant au sein des clubs de tête en dépit des absences des Crosby, Malkin, Jordan Staal et Kristopher Letang. Des exploits qui lui ont d'ailleurs valu un premier trophée Jack-Adams.

Bylsma sourit lorsqu'on lui demande si ce trophée - d'autres suivront - et ces exploits démontrent qu'il est meilleur aujourd'hui qu'il ne l'était lorsqu'il a guidé les Penguins aux grands honneurs en 2009. «Je me contenterais volontiers d'être moins bon et de gagner la Coupe Stanley.»

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Dan Bylsma, entraîneur-chef des Penguins, traite tous ses joueurs de façon presque égale. Même la supervedette Sidney Crosby.