Randy Cunneyworth a hérité d'un cadeau empoisonné lorsqu'on lui a donné les rênes du Canadien. Malgré les prétentions du propriétaire Geoff Molson qui assurait, en début d'année, que son équipe était en mesure de rivaliser avec les autres prétendants pour la Coupe Stanley, le Tricolore est loin, très loin, derrière les vrais aspirants.

Les résultats accumulés depuis le congédiement de Jacques Martin en témoignent d'ailleurs de façon éloquente. Car bien que plusieurs observateurs prétendent que le Canadien a changé de philosophie, qu'il est plus hargneux, plus offensif et plus incisif sur la patinoire depuis le changement d'entraîneur, les faits disent le contraire.

Le Canadien a perdu 11 fois en temps réglementaire à ses 21 derniers matchs. Un revers seulement de moins que lors des 32 premières parties de la saison.

Le Canadien affichait une récolte de 33 points sur une possibilité de 64 après les 32 premiers matchs de la saison. Il s'est contenté de 16 points sur les 42 disponibles à ses 21 dernières rencontres.

Plus offensif, le Canadien? Ses victoires de 7-2 contre les Red Wings de Detroit, de 7-3 contre les Jets de Winnipeg et de 6-2 contre les Sénateurs d'Ottawa le laissent croire. Dans les faits, le Canadien a maintenu une moyenne de 2,56 buts par match sous Jacques Martin. Il n'a été blanchi que deux fois en 32 matchs.

Sous Cunneyworth, le Canadien marque 2,62 buts par partie. Une amélioration anémique. Et s'il est vrai qu'il a connu trois matchs à haut pointage, il est aussi vrai qu'il a été blanchi quatre fois en 21 parties.

Le seul changement marqué, le fait que le Canadien n'avait pas été pris avec trop de joueurs sur la patinoire depuis le changement d'entraîneur-chef, ne tient plus depuis hier. Mais il serait aussi absurde d'imputer la responsabilité de cette pénalité à Cunneyworth que ce l'était de l'imputer à Jacques Martin.



Seul maître à bord?

Ces statistiques et les insuccès du Canadien depuis qu'il est en poste ne font pas de Randy Cunneyworth un mauvais entraîneur-chef. Loin de là.

Mais alors que tout le monde sait, lui le premier, qu'il sera remplacé aussitôt la saison terminée, on se demande pourquoi il n'affiche pas plus de hargne, d'impatience, de sévérité derrière le banc.

Au lieu d'empoigner à deux mains - des mains de fer - le lourd défi qui s'offre à lui, Cunneyworth affiche une prudence difficile à comprendre.

Peut-être n'est-il pas le vrai maître à bord. Peut-être dirige-t-il selon les directives qui viennent du septième étage, comme celles que Bob Gainey dictait à Claude Julien avant de le congédier il y a quelques années.

Peut-être Randy Cunneyworth s'assure-t-il d'être un bon soldat, d'aller au front et d'en revenir avec le moins d'éclopés possible, avec la promesse qu'un poste d'adjoint l'attendra l'an prochain à Montréal ou qu'on lui redonnera le club-école.

Remarquez que cela expliquerait le fait que Tomas Plekanec, au lendemain d'un match affreux samedi, a passé près de 24 minutes sur la patinoire dimanche. Dix grosses minutes de plus que David Desharnais, meilleur joueur de centre du Canadien cette saison.

Une belle et très grande vitrine à travers laquelle les nombreux dépisteurs professionnels - dont trois membres des Blues de St. Louis - ont pu voir Plekanec à son mieux... tout comme ses compagnons de trio Mathieu Darche et Rene Bourque, les deux seuls autres attaquants du Canadien à avoir été utilisé plus de 20 minutes.

Sans oublier Hal Gill, qui a passé 19:10 sur la patinoire hier. Soit plus du double de son temps de la veille contre les Capitals de Washington.

Ça pourrait expliquer aussi pourquoi Raphaël Diaz, qui était avec les étoiles de la LNH la semaine dernière à Ottawa, s'est retrouvé sur la galerie de presse hier au profit de Chris Campoli.

Soutenir plutôt que bardasser

Mais au-delà de ces «ordres» venant d'en haut en raison de la date limite des transactions qui approche, les entraînements de 20 minutes, les congés réguliers, l'attitude d'un employé modèle plutôt que celle d'un entraîneur prêt à tout pour maximiser la chance qui s'offre à lui de prouver aux 29 autres équipes qu'il a l'étoffe nécessaire pour diriger dans la LNH démontre une prudence bénédictine. Une prudence excessive.

«Au point où nous en sommes, les gars ont bien plus besoin d'être encouragés, épaulés et dirigés que d'être martelés et bardassés. Nous sommes fragiles. Nous sommes vulnérables. Mon but est de redonner confiance aux joueurs. Je ne crois pas que ce soit en les fouettant que je vais y arriver», m'a dit Cunneyworth, samedi.

23 victoires en 29 matchs

L'effort déployé par ses joueurs hier, de loin supérieur à celui affiché samedi dans toutes les facettes du jeu, a donné raison à Cunneyworth.

Mais cette victoire de 3-0 ne peut raviver les espoirs de voir le Canadien accéder aux séries. Ce serait farfelu. Complètement. Car, si la tendance se maintient, l'équipe qui terminera huitième dans l'Est totalisera environ 94 points.

Pas besoin d'être fort en calcul pour conclure que le Canadien devrait donc amasser 46 points en 29 matchs pour se rendre à 95. Et pour amasser ces 46 points, il faudrait que le Tricolore remporte 23 victoires en 29 parties. Un défi que les «Glorieux» d'une autre époque auraient pu relever. Pas ceux d'aujourd'hui.

Photo: Bernard Brault, La Presse

On se demande pourquoi Randy Cunneyworth n'affiche pas plus de hargne, d'impatience, de sévérité derrière le banc.