En somme, l'idée générale est qu'il est maintenant nécessaire de ressusciter une classe moyenne moribonde... Dans tout pays développé ayant connu la belle époque d'une telle classe en santé qui croît et s'enrichit, le diagnostic serait triste. Mais, aux États-Unis, où a été inventé dans l'après-guerre le concept même d'une classe de citoyens entre riches et pauvres, puissante par le nombre, vivant aisément des fruits de son travail, espérant encore davantage pour sa descendance... aux États-Unis, donc, le constat est tout simplement cruel.

C'est pourtant celui, rigoureusement conforme à la réalité, qu'a fait Barack Obama dans son discours sur l'état de l'Union. Son troisième et dernier avant la présidentielle de novembre, dont l'issue ne peut pas être plus incertaine.

Le président dit: la résurrection de la classe moyenne sera le résultat d'une économie en partie dirigée par l'État vers l'éducation et l'emploi de haute technologie, vers une plus grande autosuffisance énergétique ainsi que vers l'exportation. Le résultat d'un retour des jobs envolés vers l'Asie. Le résultat d'un environnement réglementaire et fiscal honnête et juste.

Excusez du peu...

Mais le chef d'État (sans parler du penseur que nous avons appris à connaître en 2008) a cédé la place, mardi soir, au politicien en campagne dont le premier devoir est d'en mettre beaucoup.

Or, pour la droite américaine, celle d'aujourd'hui, celle d'un Parti républicain en déclin moral et intellectuel, l'affaire est entendue: Obama, c'est trop. Obama, c'est socialisme, guerre des classes, faisons payer les riches et compagnie!

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En passant, on trouvera ici une importante leçon de choses.

C'est que les différentes gauches ne se ressemblent pas. Question de géographie. Aux États-Unis, la gauche suggère qu'un milliardaire devrait être assujetti à un taux d'imposition plus élevé que sa secrétaire - ou que Mitt Romney. Au Québec, elle réclame qu'on nationalise Rio Tinto Alcan, façon Hugo Chavez, en chantant L'Internationale! Pas du tout la même chose...

Fin de la digression.

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En septembre dernier, le Wall Street Journal rapportait que le géant des produits ménagers, Procter&Gamble, allait rediriger ses efforts de marketing vers les riches et les pauvres, littéralement, ignorant désormais une classe moyenne désargentée.

Or, le savon ne ment pas.

En dix ans, les effectifs de la classe moyenne américaine sont passés de 54% à 43% de la population. Plus de huit millions d'emplois dans l'industrie et les services ont été avalés par la crise. Le revenu médian des familles, ajusté à l'inflation, est inférieur aujourd'hui à ce qu'il était en 1998. Près de 40% des Américains n'ont aucune épargne...

Vraiment, l'opération de sauvetage de la classe moyenne que promet le président des États-Unis ne doit pas être qu'un hochet électoral.