Que les trois ex-dirigeants de Nortel accusés de manipulation comptable dans le dessein d'encaisser des millions soient déclarés coupables ou pas, cela fera une belle jambe aux actionnaires de l'ancien fleuron canadien de la haute technologie.

Je pense entre autres à tous ces actionnaires qui n'ont pas liquidé en 2000 les actions qu'ils détenaient de la multinationale canadienne. Ils ont perdu une fortune alors que le titre est passé d'un haut de 124$ (été 2000) à un creux de 67 cents, en 2002. Et on connaît la suite: l'aventure de Nortel s'est terminée par une faillite. Et dire que des dizaines d'initiés ont encaissé des centaines de millions de profits!

Évidemment, en 1999 et 2000, personne ne pouvait prédire que Nortel allait trépasser et, qu'en conséquence, le cours de son action allait s'effondrer.

Toutefois, il y a matière à tirer une certaine leçon de Nortel. Laquelle? Il fallait surveiller les transactions de vente des initiés, c'est-à-dire notamment celles des hauts dirigeants et des administrateurs.

Quand des initiés liquident une partie de leurs actions, qu'elles aient été acquises ou non par levées d'options, c'est parce qu'ils croient que le cours de l'action a atteint un certain niveau de plafonnement. Pourquoi ne pas les imiter, surtout lorsque le titre d'une entreprise, comme c'était le cas avec Nortel, enregistre une spectaculaire hausse boursière?

Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie des centaines de milliers d'actionnaires qui ont vu la fortune leur filer entre les doigts, mais dans le cas de Nortel, j'aimerais rappeler que des initiés vendaient massivement lors de la belle époque de la bulle internet.

Au nombre des bienheureux initiés qui ont encaissé des fortunes avec leurs actions de Nortel, on retrouve Jean-Claude Monty, qui était à l'époque le grand patron de BCE et administrateur de Nortel (jusqu'en avril 2000). Parenthèse: c'est sous sa direction que BCE a distribué (en mai 2000) à ses actionnaires son immense bloc d'actions de Nortel. Pour chaque action de BCE, les actionnaires ont reçu 1,57 action de Nortel.

En mars 2000, M. Monty encaissait un gain de 47 millions après avoir liquidé un bloc de 320 000 actions de Nortel.

Et à partir de février 2000, John A. Roth, président et chef de l'exploitation de Nortel Networks, allait commencer à liquider d'importants blocs d'actions acquises à la suite d'une série de levées d'options. Les multiples transactions réalisées au cours de l'année 2000 lui ont permis d'empocher des gains de 135 millions de dollars.

Lors de cette même année 2000, quatre autres hauts dirigeants ont encaissé des fortunes en liquidant une partie de leurs blocs d'actions et d'options: le chef d'exploitation (Clarence J. Chadran: 22 millions); le président Amériques (Gary R. Donahee: 12,8 millions); le président solutions d'affaires (Frank W. Conner: 5,9 millions); le directeur financier (Frank A. Dunn: 14,8 millions). Eh oui! on parle bien ici du même Dunn, l'ancien président qui est actuellement accusé de fraude, de concert avec l'ex-directeur financier Douglas Beatty et Michael Gollogly, ancien contrôleur financier.

Fin janvier 2001, bien que l'action soit tombée à 58,61$ (en chute de 53% par rapport au sommet d'août 2000), John Roth continue de vendre et liquide cette fois 24 000 autres actions.

Une dizaine d'autres initiés imitent leur patron en liquidant des centaines de milliers d'actions obtenues à prix d'aubaines par le truchement de levées d'options. Ils ont ainsi empoché des millions et des millions de dollars de profits.

Fait à signaler: ces ventes ont eu lieu deux semaines après avoir vu M. Roth annoncer que Nortel allait atteindre ses objectifs de forte croissance. Deux semaines après les ventes des initiés, Nortel annonçait une mauvaise nouvelle qui allait faire chuter dramatiquement l'action. Eh oui!

M. Roth a été relevé de la présidence en novembre 2001, pour être remplacé par Frank A. Dunn.

En 2001, les ventes des initiés de Nortel ont passablement ralenti. Sauf pour Charam Bolouri, président et chef à la clientèle mondiale, qui a réussi à empocher des gains de 5,8 millions de dollars avec la vente de lots d'actions.

En février 2004, des hauts dirigeants et administrateurs de Nortel et de ses filiales ont de nouveau liquidé une tonne d'actions. Ils ont réalisé leurs ventes massives au moment où le titre se négociait à son haut des 16 derniers mois. Par la suite, le titre allait dramatiquement chuter.

Frank Dunn se faisait congédier le 27 avril 2004.

C'est quand même incroyable de voir les fortunes que les dirigeants et administrateurs de Nortel ont pu encaisser!