Les audiences publiques de la commission fédérale chargée d'étudier le projet d'oléoduc Northern Gateway, qui relierait les sables bitumineux albertains aux côtes de la Colombie-Britannique, ont commencé la semaine dernière. Ce ne sont pas les «groupes environnementaux radicaux» dénoncés par le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, qui ont retenu l'attention lors de ces premières journées. Ce sont plutôt les représentants de la nation Haisla, une communauté autochtone de 700 âmes habitant le long du canal Douglas, lieu choisi pour la construction du terminal où les pétroliers prendraient livraison du pétrole destiné à l'Asie. Le chef des Haislas, Ellis Ross, a été catégorique: pas question d'approuver le projet, peu importe l'argent et les emplois que promet le promoteur, la compagnie Enbridge. «Ils ne peuvent pas garantir qu'il n'y aura pas de déversement de pétrole», a tranché M. Ross. Or, dans les rivières à saumon et dans les forêts où pêchent et chassent les membres de la communauté depuis des siècles, une fuite de pétrole lourd serait catastrophique.

Le projet est énorme. Il est aussi d'une grande complexité. Des sables bitumineux au terminal de Kitimat, les deux oléoducs parallèles - diamètres respectifs de 36 pources et de 30 pouces - parcourraient 1172 kilomètres. Ils franchiraient plus de 700 cours d'eau et les Coast Mountains (par deux tunnels de 6,5 km de long chacun). Chargés de bitume, les pétroliers traverseraient la célèbre forêt pluviale du Grand ours, là où on trouve des cèdres rouges millénaires et des ours noirs... blancs.

Enbridge affirme que toutes les précautions ont été prises et que les risques de fuite sont minimes. À la suite de l'accident de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique et de la rupture d'un oléoduc d'Enbridge au Michigan, tous deux survenus en 2010, les affirmations de l'entreprise ne parviennent pas à rassurer les nombreux inquiets.

Par contre, les avantages économiques du projet paraissent très importants, si on en croit une étude faite pour le promoteur. Le Northern Gateway permettrait aux producteurs de l'Alberta de diversifier leurs marchés en approvisionnant la Chine, Taiwan, le Japon et la Corée du Sud. Sur 30 ans, le projet ajouterait 270 milliards au PIB national et 80 milliards aux revenus des gouvernements.

Les audiences de la commission d'examen dureront plus d'un an et son rapport sera remis à la fin de 2013. Compte tenu du préjugé favorable du gouvernement Harper envers ce projet, il revient à la commission d'étudier la question avec grand soin et sans complaisance pour les différents points de vue. Le Northern Gateway ne doit recevoir le feu vert que si les avantages économiques sont considérables et assurés, si les populations concernées sont d'accord et, surtout, si les risques écologiques sont minimisés et acceptables.