Groupe SNC-Lavalin s'est retrouvé depuis février dernier dans plusieurs situations controversées à travers le monde. Cela s'est répercuté négativement sur le cours de l'action. Pendant ce temps-là, neuf des 11 hauts dirigeants du Bureau du président ont liquidé en cours d'année des blocs d'actions obtenues à la suite de levée d'options.

La dégringolade a commencé en février alors que le projet de construction d'une prison pour le compte du régime Kadhafi était vertement dénoncé. À compter de ce moment-là, le titre allait amorcer une longue descente, le faisant passer d'un haut de 62$ (début février) à un creux de 38,50$ (début octobre). Depuis, le cours de l'action s'est redressé et il se négocie aujourd'hui autour des 48$. On parle quand même d'un recul de 23%.

Pourquoi les hauts dirigeants de SNC-Lavalin ont-ils vendu? Par manque de confiance dans le titre? Pour en profiter avant que le titre ne s'écroule davantage?

Réponse de Leslie Quinton, vice-présidente Communications mondiales d'entreprise de SNC-Lavalin: «Ces décisions sont prises sur une base individuelle et justifiées par des motifs propres à chacun; nous ne sommes donc pas en mesure de nous prononcer en leur nom.»

Les neuf dirigeants de SNC-Lavalin ont vendu des actions pour une valeur globale de l'ordre de 10 millions. Ces transactions d'initiés leur ont rapporté collectivement un gain en capital de 4,1 millions.

Pour chacun des dirigeants, voici le montant brut des transactions de vente, suivi par le mois où elles ont été effectuées:

Pierre Duhaime, président et chef de la direction: 1,16 million (décembre),

Feroz Ashraf, vice-président Mines et métallurgie: 672 000$ (mars),

Jean Beaudoin, vice-président, Produits chimiques et pétrole: 896 000$ (mars et décembre),

Riadh Ben Aissa, vice-président Infrastructures: 726 000$ (mars, novembre),

James Burke, vice-président Aéroport, Transports en commun: 522 000$ (novembre),

Patrick Lamarre, vice-président Énergie: 1,15 million (mars, novembre),

Gilles Laramée, vice-président et chef des affaires financières: 1,2 million (décembre),

Michael C. Novak, vice-président, gestion des risques: 2,25 millions (mars),

Jean-Claude Pingat, vice-président Agroalimentaire: 1,2 million (novembre)

Rappel des événements

L'image de Groupe SNC-Lavalin en a pris pour son rhume cette année alors que l'entreprise s'est retrouvée au centre de plusieurs situations hautement controversées, notamment en Libye où l'entreprise a financé une étude favorable à Mouammar Kadhafi.

Reconnu comme «un des chefs de file mondiaux de l'ingénierie, de l'approvisionnement, de la construction et des services techniques connexes offerts à des secteurs industriels et à des marchés géographiques déterminés», SNC-Lavalin a des bureaux d'affaires partout dans le monde: de l'Amérique du Nord à l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie, l'Amérique latine.

Vers la fin de février, la construction d'une prison en Libye avait soulevé des vagues au Parlement de Québec alors que le député de Québec solidaire, Amir Khadir, avait interpelé le grand patron de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime. SNC-Lavalin avait deux autres contrats en Libye, soit la construction de l'aéroport de Benghazi et l'aménagement de vastes canaux de transport d'eau potable.

Au début de mars, SNC-Lavalin avait finalement retiré de son carnet de commandes tous ses projets libyens, d'une valeur totale de quelque 900 millions. Mais M. Duhaime restait positif envers la Libye, malgré les combats meurtriers entre les hommes du colonel Kadhafi et ses opposants du peuple.

Fait à signaler: Amnistie internationale avait dénoncé la présence de SNC-Lavalin en Libye. «Prétendre améliorer la situation en Libye en construisant une prison, c'est ajouter l'insulte à l'injure», avait déclaré Anne Sainte-Marie, porte-parole de la section Canada francophone d'Amnistie internationale.

Par ailleurs, SNC-Lavalin a continué de réaliser des projets en Tunisie et en Égypte, où des révolutions populaires ont réussi à renverser les régimes totalitaires.

Au début de septembre dernier, des perquisitions de la GRC ont été menées dans des bureaux de SNC-Lavalin en Ontario. L'enquête de la GRC a été déclenchée à la suite des soupçons de corruption que la Banque mondiale a rapportés à l'égard d'employés de SNC-Lavalin dans la construction d'un pont au Bangladesh. Un mois plus tard, la Banque mondiale suspendait le financement du pont, le temps d'éclaircir des allégations de corruption impliquant SNC-Lavalin.

Mais c'est en décembre que le fleuron québécois a eu l'air vraiment fou dans les médias. CBC a révélé que SNC-Lavalin avait financé, en pleine guerre libyenne, une mission d'observation sur le terrain qui a produit un rapport très favorable au régime Kadhafi.

Très critique à l'égard des frappes de l'OTAN et des exactions commises par les rebelles en Libye, le rapport en question avait été envoyé au ministère des Affaires étrangères du Canada au début du mois d'août, époque où Kadhafi se débattait encore pour rester au pouvoir à Tripoli.

Dans une lettre diffusée sur le site web de la CBC, un haut dirigeant de SNC-Lavalin, Stéphane Roy, vice-président aux relations aux investisseurs, s'est montré un peu trop enchanté du rapport!