En matière de TVQ, le gouvernement du Québec a la main longue. Et c'est d'ailleurs une des causes de l'augmentation des taxes municipales, passée, présente et future. Alors que le gouvernement fédéral rembourse depuis 2006 la totalité de la TPS que les municipalités (et villes) paient sur les produits et services qu'elles achètent, le gouvernement Charest, lui, a décidé de ne rembourser la TVQ que partiellement d'ici 2014.

Résultat? Pour la période allant de 2007 à 2013, les administrations locales (villes et municipalités) vont ainsi payer au gouvernement du Québec une astronomique somme nette de quelque 3,2 milliards de dollars de TVQ. Cette somme représente la différence entre la TVQ brute (5,1 milliards) versée par les municipalités au fil de ces sept années et le montant partiel (1,9 milliard) que leur remboursera le gouvernement provincial. Les calculs ont été effectués à partir des chiffres que l'Union des municipalités du Québec (UMQ) nous a transmis.

On résume la passe fiscale «made in» Québec: le gouvernement du Québec encaisse ainsi des milliards de dollars de TVQ à partir des milliards de dollars de taxes municipales qu'on verse aux villes et municipalités à même les revenus sur lesquels on a déjà payé des milliards et des milliards de dollars d'impôts et de taxes de tout acabit. Nul doute qu'on mérite donc bien notre étiquette de cochon payeur!

Un rappel de circonstance: c'est en vertu de l'entente de 2007 sur «un nouveau partenariat fiscal et financier», que le gouvernement Charest avait convenu avec les chefs de file des municipalités de l'époque (dont l'UMQ et les maires Gérald Tremblay, Gilles Vaillancourt, Andrée Boucher) qu'il ne leur remboursera la totalité de la TVQ qu'à partir 2014. Ce «nouveau partenariat» devait enrichir (sur sept ans) les municipalités de 3,8 milliards par l'entremise de diverses compensations financières.

Finalement, elles vont se ramasser au terme de l'entente dans le trou d'au moins 1,2 milliard, la TVQ versée dépassant nettement les compensations provinciales. Tout un partenariat!

Sans que ce soit prémédité, on constate aujourd'hui que le gouvernement Charest allait royalement piéger les municipalités avec son remboursement partiel de la TVQ. Il n'était aucunement prévu à l'époque que le gouvernement allait hausser sa TVQ d'un point de pourcentage en 2011 et d'un autre point à partir de 2012. Autre inconnue qui est venue alourdir la facture de la TVQ des municipalités: les lourdes dépenses contractées par les municipalités dans le cadre du plan fédéral de relance économique et de son programme des infrastructures. Les municipalités devaient assumer le tiers des coûts.CHAMPION DE LA DETTE MUNICIPALEDe toutes les provinces, c'est le Québec qui remporte la «palme» du surendettement municipal.

La dette cumulative des villes et municipalités québécoises représente, à elle seule, quelque 88% de la dette totale des provinces affichant une dette municipale.

Comme «société distincte», nul doute que le Québec se démarque au chapitre de l'endettement municipal. Il suffit de regarder froidement les statistiques compilées à ce chapitre par Statistique Canada pour prendre conscience de ce triste record canadien. Selon les données les plus récentes (celles de 2007), l'endettement municipal québécois s'élevait à 16,2 milliards, à comparer à 2,2 milliards pour les municipalités des cinq autres provinces (le Manitoba et les 4 provinces des Maritimes) qui ont accumulé une dette nette municipale. Parenthèse: eh oui! il y a quatre provinces où les municipalités présentent un surplus: Ontario, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique.

Loin de s'améliorer, la dette nette totale de nos villes et municipalités s'est même fortement alourdie au cours des dernières années. Elle atteint aujourd'hui près de 20 milliards de dollars, soit 2500$ par tête de Québécois.

Aux yeux du président de l'Union des municipalités et maire de Rimouski, Éric Forest, ce surendettement municipal démontre hors de tout doute que la structure actuelle de financement des villes et municipalités de la province n'est plus adaptée aux responsabilités que le gouvernement du Québec a pelletées dans la cour des administrations locales au fil des années. Voilà pourquoi, il réclame de Québec de nouvelles sources de revenus municipaux.

Supporter une magistrale dette de 20 milliards coûte évidemment cher en frais d'intérêts annuels. Voilà sans doute un des facteurs qui explique pourquoi les taxes municipales ont augmenté de façon importante au cours des cinq dernières années, selon le dossier «Les taxes municipales explosent au Québec», de mon collègue Pierre-André Normandin. Alors que la facture des taxes municipales grimpait de 16,6% à Montréal, de 18% à Laval, de 20% à Longueuil et à Québec, il y a des municipalités où les taxes municipales flambaient de 30%, 50% et même plus de 100%.

Selon les chiffres compilés par Statistique Canada sur les villes et municipalités, les dépenses municipales totales ont augmenté au Québec de 71,4% entre 2002 et 2008. Deux exemples explosifs? Au cours de cette période, les dépenses effectuées par nos administrations locales dans le transport collectif et le réseau routier ont grimpé de 90% et celles reliées à l'hygiène du milieu (eau, égout, matières résiduelles, protection de l'environnement) ont explosé de 105%.

Et la situation financière de nos municipalités a empiré au fil des dernières années en raison notamment de la réalisation en accéléré du fameux programme d'infrastructures que le gouvernement Harper a lancé en 2009 dans le dessein de sortir le Canada de la précédente crise financière mondiale. Le programme a été financé à raison d'un partage des coûts entre les trois paliers de gouvernement, soit un tiers municipal, un tiers provincial et un tiers fédéral.

Alors que les gouvernements d'Ottawa et de Québec réussissaient à récupérer plus de la moitié de leurs dépenses directes par l'entremise des retombées fiscales (impôts et taxes) sur les dépenses d'infrastructures, les municipalités, elles, n'avaient droit à aucune retombée.

Avec une charge de TVQ en prime, pas facile la société distincte!