Il y a trois ans, la conclusion-choc du document publié mercredi par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) aurait fait les manchettes. Cette semaine, on en a à peine parlé.

Dans son rapport annuel sur la situation énergétique mondiale, l'AIE affirme que si rien n'est fait d'ici cinq ans, l'humanité ne sera plus en mesure de limiter à 2 degrés le réchauffement de la planète. Or, selon les experts, au-delà de ce niveau, les changements climatiques risquent d'avoir des effets néfastes, voire catastrophiques. «Si des politiques nouvelles et audacieuses ne sont pas mises en place, la fenêtre d'opportunité se fermera», affirme l'économiste en chef de l'Agence, Fatih Birol.

Alors, pourquoi cette indifférence? La crise économique de 2008-2009 et, depuis, la possibilité d'une rechute ont pris toute la place. Dans plusieurs pays, en particulier aux États-Unis et en Europe, les gens souffrent des conséquences concrètes et immédiates de la récession à côté desquelles une éventuelle montée du niveau des mers paraît bien lointaine. Il y a trois ans, à Copenhague, c'est de gaz à effet de serre (GES) que les chefs de gouvernement du monde discutaient ferme. À Cannes, il y a quelques jours, ceux du G20 n'avaient que la dette grecque en tête. «Compte tenu des préoccupations des gouvernements au sujet de la situation économique, il serait difficile de prétendre que le vent souffle dans la bonne direction», constate M. Birol.

Il est compréhensible et nécessaire que les dirigeants politiques portent actuellement une grande partie de leur attention à la situation économique mondiale. Cependant, ils ne doivent pas perdre de vue la grave menace que font peser les changements climatiques sur la planète et sur ses habitants. D'autant plus qu'avec le temps qui passe, les choses sont loin de se simplifier.

Ainsi, il est plus clair que jamais que la solution devra venir en bonne partie des économies émergentes. Selon les projections de l'AIE, celles-ci seront responsables de 90% de l'augmentation de la demande d'énergie au cours des 25 prochaines années. Mais, parce qu'ils ne veulent pas voir freiner leur développement - on comprend pourquoi - ces pays sont réfractaires à toute entente comportant pour eux des cibles contraignantes. Impasse.

Nouvel élément dans l'équation: alors que certains voyaient dans la renaissance du nucléaire une voie prometteuse, l'accident de Fukushima a changé la donne. Si, à la suite de cette catastrophe, des pays se détournent de l'énergie atomique, ils devront avoir recours au charbon et au gaz et leurs émissions de GES augmenteront.

La prochaine phase des négociations sur les changements climatiques s'ouvre dans deux semaines à Durban (Afrique du Sud). Personne ne s'attend à ce qu'un déblocage s'y produise. Il faudra attendre que le climat... économique soit plus favorable.