Pour les bureaucrates de Québec, la métropole montréalaise n'existe pas vraiment. Son territoire est au contraire dépecé et réparti entre cinq régions administratives différentes.

Ce n'est pas qu'une curiosité technocratique. Cette façon de découper la zone métropolitaine est lourde de conséquences, elle affaiblit la métropole et la pénalise. Cela illustre bien le fait qu'une bonne partie des problèmes de la métropole trouvent leur cause à l'autre bout de l'autoroute 20, dans la Capitale nationale.

La métropole, ce n'est pas seulement la ville ou l'île. C'est toute la grande zone urbaine qui forme un réseau vivant, fait d'interactions et d'interdépendances, où les gens circulent, pour le travail, les études, le commerce ou les loisirs, dont les activités économiques sont intégrées. Chaque jour, il y a 1 million de déplacements entre l'île et la zone qui l'entoure.

Cette zone urbaine, Statistique Canada la regroupe dans une région métropolitaine de recensement. Elle a également droit de cité dans la Communauté métropolitaine de Montréal. En gros, selon les définitions, elle s'étend jusqu'à Saint-Jérôme au nord, englobe Mirabel et Vaudreuil à l'ouest, L'Assomption et Repentigny à l'est. Au sud, elle s'étend de Beauharnois à Contrecoeur.

Mais dans sa division territoriale et dans sa gestion, pour le gouvernement du Québec, cette zone n'existe pas. L'île de Montréal est une région administrative en soi. Laval aussi. Une partie de la Couronne nord fait partie de la région des Laurentides, l'autre, plus à l'est, de Lanaudière. La Rive-Sud, elle, est en Montérégie.

Ce découpage procède d'une conception du territoire qui est une injure à l'intelligence, une aberration, tant au plan géographique, sociologique, qu'économique. Et ça a des conséquences.

La première, c'est d'encourager une dynamique centrifuge dans les portions de la zone métropolitaine qui appartiennent à des régions de la couronne nord et sud. Il n'est certainement pas facile pour ces banlieues de coexister avec une grosse ville. Ce découpage régionaliste les pousse à tourner le dos à la métropole et à s'investir davantage dans une région administrative où elles ont du poids.

Cette logique, on la retrouve dans la plupart des ministères, qui sont découpés de la même façon, et qui ne disposent pas de structures d'intervention métropolitaine, quoiqu'on commence à voir un changement.

C'est sur la Rive-Sud que la chose est plus frappante. Une ville comme Longueuil, qui partage les mêmes ponts que Montréal, fait partie de la Montérégie. Pour les services de santé, elle se retrouve sur le même territoire que Granby, même si elle se trouve à dix minutes de l'Hôpital St-Luc. La planification de ses loisirs se fera en Montérégie, tandis que les politiques de main-d'oeuvre seront définies dans une logique montérégienne, même si son économie est intégrée à celle de l'île de Montréal.

Mais pourquoi est-ce ainsi ? Sans être adepte de la théorie du complot, il est difficile de ne pas y voir une conception du territoire conçue par des non-urbains qui ne comprennent pas la dynamique urbaine. Et si on pousse la paranoïa un peu plus loin, de soupçonner que ce dépeçage permet de réduire la menace d'une métropole qui compte pour 46% de l'emploi et de la population, et 49% de l'activité économique.

Ajoutons à cela le chaos provoqué par les fusions, les défusions et refusions, qui ne se traduit pas seulement par un nombre d'élus trop élevé, mais aussi par la création d'arrondissements qui rendent la ville ingouvernable. Ou encore le caractère non fonctionnel de l'organisme de coordination régionale, la Communauté métropolitaine de Montréal. Et c'est assez pour conclure que beaucoup des problèmes dont souffre Montréal trouvent leur origine à Québec.