La majorité des régimes de retraite à prestations déterminées accusent un déficit de solvabilité. Au nombre des plus grands régimes canadiens aux prises avec le problème, on retrouve le Régime des rentes du Mouvement Desjardins, dont le déficit de solvabilité atteignait les 2,2 milliards de dollars à la fin de décembre 2010.

Selon Aon Hewitt, la plus grande société mondiale de services-conseils et d'impartition dans le domaine des ressources humaines, le degré de solvabilité médian des régimes s'élevait, le 31 décembre dernier, à 83%. Le régime de Desjardins affichait pour sa part un degré de solvabilité de seulement 71,3%. Ce qui est nettement en deçà de ladite médiane d'Aon Hewitt, laquelle est basée sur 450 régimes existants.

Loin de se résorber, la solvabilité des régimes à prestations déterminées s'est sensiblement détériorée depuis le début de l'année en raison de deux facteurs majeurs: un, l'impact négatif de la déconfiture boursière sur le rendement des portefeuilles desdits régimes; deux, l'augmentation du passif des régimes à cause de la baisse des taux d'intérêt sur les obligations.

Selon un expert de la firme Aon Hewitt, le degré de solvabilité médian des régimes de retraite devrait se situer autour de 75% au 31 août dernier. On parle donc d'une importante détérioration additionnelle de 8 points de pourcentage entre la fin de décembre 2010 et la fin août 2011. Parenthèse. Est-ce important, le degré de solvabilité? Aux yeux de la Régie des rentes du Québec, c'est effectivement un indicateur de santé fort important. Que signifie-t-il? Dans l'hypothèse où l'entreprise fermait ses portes et que le régime de retraite prenait subitement fin, un degré de solvabilité de 100% signifie que la valeur des actifs du régime peut couvrir 100% des engagements prévus (les rentes) envers les employés et retraités. Quand le degré tombe sous la barre des 100%, cela laisse présager que l'actif du régime ne peut couvrir qu'une portion des engagements.

Par ailleurs, si le régime de retraite des quelque 37 000 employés et 8700 retraités de Desjardins suit la tendance des 450 régimes répertoriés par Aon Hewitt, son degré de solvabilité se trouvera forcément en baisse par rapport à la dernière évaluation actuarielle. De 71% qu'il était le 31 décembre dernier, le degré de solvabilité du régime de Desjardins risque de se retrouver dans la fourchette des 65 à 69%.

Pourquoi parler plus précisément du régime de Desjardins?

Parce que des administrateurs de caisses populaires craignent que la haute direction du Mouvement Desjardins aille puiser dans les réserves habituellement vouées aux ristournes des sociétaires (les clients de la Coop) pour renflouer en partie le déficit actuariel du régime de retraite des employés.

Ils seraient tellement méfiants envers la haute direction du Mouvement Desjardins qu'ils s'attendent à ce que cela se fasse même sans l'autorisation au préalable des conseils d'administration des caisses. Rappelons ici que chaque caisse populaire est autonome. Du moins, en principe!

Dans une lettre anonyme adressée à La Presse Affaires, un administrateur de caisse affirme que la ponction en question dans les ristournes serait répartie sur trois années. Ce sont donc, dit-il, les sociétaires qui feront les frais de ce déficit actuariel alors que la plupart d'entre eux sont dans une situation financière nettement plus précaire que celle des retraités et employés de Desjardins.

Que les clients (sociétaires) des caisses Desjardins se rassurent! Le régime de retraite du Mouvement Desjardins touche non seulement le réseau des caisses, mais également les 450 autres employeurs (filiales de tout acabit) qui en sont membres à part entière.

Selon la politique de financement du régime, l'ensemble des coûts est payé à 65% par les employeurs et à 35% par les participants actifs. Par hypothèse, les mesures devant éventuellement être mises de l'avant pour renflouer le déficit de solvabilité du régime de Desjardins viseront tous les employeurs et les employés. Et non pas seulement les caisses!

Appelé à commenter la solvabilité de son régime de rentraite, le Mouvement Desjardins, selon son porte-parole André Chapleau, estime que la situation est parfaitement maîtrisée.

M. Chapleau minimise d'ailleurs l'importance de ce déficit de solvabilité du régime.

«Je me permets de rappeler que le déficit de solvabilité est calculé uniquement pour répondre aux besoins de la RRQ en considérant des hypothèses de terminaison du régime à une date donnée, et ce, afin de démontrer que le régime a les fonds nécessaires pour s'acquitter de ses obligations», dit-il.

«Certes, notre caisse de retraite, comme toutes les caisses de retraite par ailleurs, accuse un déficit de solvabilité. Tout notre personnel de même que tous les employeurs du Mouvement - caisses populaires et filiales - sont au courant de la situation. Je vous précise d'ailleurs que les cotisations au régime de retraite ont été augmentées depuis 2010 et ce, tant pour les employés que les employeurs.»

«Compte tenu de l'évolution des marchés financiers et du contexte de bas taux d'intérêt, ajoute cependant M. Chapleau, les responsables de notre caisse de retraite sont à explorer différentes avenues et pistes de solution pour assurer la pérennité de notre régime. Ainsi, au moment où on se parle, rien n'a encore été arrêté. D'ailleurs, un des intrants à cette prise de décision seront les mesures que le gouvernement (du Québec) pourrait mettre de l'avant pour aider les caisses de retraite. Et elles ne sont toujours pas connues.»

Sa conclusion: «Il est donc inexact de dire que l'on puisera auprès de chaque caisse. Le cas échéant et si requis, ce serait plutôt auprès de tous les employeurs du Mouvement Desjardins. Enfin, notre régime de retraite est géré de façon rigoureuse (guidée par le passif) pour assurer le versement des prestations à nos retraités.»