La hausse des salaires et le vieillissement de la population s'accélèrent en Chine, menaçant à moyen terme la croissance du numéro deux mondial.

Constamment mise en avant comme «l'usine du monde», la Chine surfe depuis des années sur une croissance à deux chiffres ou presque. Mais elle risque de perdre ce titre.

Des études confirment qu'en raison de la hausse de leurs coûts de production, les Chinois perdent lentement mais sûrement des clients au profit de leurs voisins asiatiques.

Dans un nouveau rapport, la firme KPMG affirme que la production de biens à bas coût en Chine, notamment dans le vêtement, se déplace de plus en plus vers d'autres pays comme le Bangladesh et l'Indonésie. La raison: le salaire minimum en Chine est maintenant beaucoup plus élevé - soit jusqu'à quatre fois plus - qu'ailleurs dans le Sud-Est asiatique, selon KPMG.

Le Vietnam et l'Indonésie sont en train de consolider leurs récents progrès dans la production de vêtements et de chaussures, selon la firme, tandis que l'Inde poursuit son avancée dans les métaux et les tissus entre autres.

Ainsi, la production de chaussures a bondi de 42% en 2010 en Indonésie - qu'on surnomme de plus en plus la «petite Chine du Pacifique» -, alors que les exportations de textiles du Bangladesh ont augmenté de 43%. Des gains importants réalisés surtout aux dépens du géant chinois.

Un tournant

Aussi Nick Debnam, responsable de l'Asie-Pacifique chez KPMG, conclut que la sous-traitance à bas coût en Chine, qui a profité aux entreprises occidentales, «est une affaire du passé».

Pour sa part, la firme UBS soutient aussi dans une étude que la Chine perd du terrain dans le secteur de la fabrication peu complexe. Sa part du marché mondial vient même de passer sous la barre symbolique des 50%, pour se retrouver à 48%. «Le début 2011 marque un tournant» pour la Chine, soutient UBS.

Rappelons que la Chine tente désespérément de contenir une hausse généralisée des prix, avec une inflation globale qui dépasse les 6% - la plus élevée en trois ans. Les autorités ont haussé les taux d'intérêt et resserré les conditions de crédit des banques, mais l'inflation reste obstinément élevée malgré une certaine accalmie cet été.

Les jeunes Chinois, on le sait, aspirent à beaucoup plus que leurs parents et veulent participer à l'éclosion d'une classe moyenne dans leur pays. Or, l'inflation gruge le pouvoir d'achat des travailleurs qui maugréent, obligeant plusieurs entreprises à augmenter les salaires de 15% à 30%, selon des sources européennes.

Évidemment, le gouvernement chinois répète qu'il veut transformer son économie, en délaissant la fabrication de bas de gamme au profit d'une production de biens à valeur ajoutée. Si bien que l'incursion étrangère dans ses champs traditionnels ne l'inquiète guère.

Il reste que les marges bénéficiaires des entreprises chinoises, dans certains secteurs, rétrécissent sous la pression des coûts de main-d'oeuvre, selon UBS. Et cela ne plaît pas aux investisseurs: malgré une solide croissance de l'économie, la Bourse de Shanghai a plongé d'environ 15% depuis la mi-avril, trahissant ainsi une certaine inquiétude.

Vieillissement

L'autre source d'inquiétude, à moyen terme, c'est la capacité de la Chine d'offrir une main-d'oeuvre productive pour répondre à la demande de ses clients.

La politique de l'enfant unique, instaurée en 1979, a eu un impact considérable sur la démographie. Cette politique aurait empêché la naissance de 400 millions de Chinois, selon Pékin.

Résultat: près de 180 millions de Chinois, ou environ 13% de la population, ont plus de 60 ans, selon des chercheurs américains et européens. Avec ses 1,3 milliard d'habitants, l'État le plus peuplé du monde est aussi celui qui compte le plus de personnes âgées.

Or, en 2020, la Chine comptera 248 millions d'habitants de plus de 60 ans, soit 17% de sa population, et en 2050 environ 24% - ou près d'un Chinois sur quatre, évalue le Center for Strategic and International Studies, un organisme établi à Washington. Ce qui fait dire à la firme japonaise Daiwa Capital que la Chine n'a que cinq ans pour corriger le tir sur le plan démographique. Sinon le vieillissement va freiner sensiblement sa croissance économique à compter de 2016.

Entre-temps, les entreprises chinoises tentent de pallier la hausse de leurs coûts en transférant leur production vers les régions les plus pauvres du pays. Toutefois, cette stratégie n'offre qu'une solution à court terme, prévient KPMG. Bref, on pourra toujours se consoler en se disant que la Chine a aussi de grands défis à relever.