Cela n'avait rien d'un party d'avant-match, alors que la Ligue nationale de football s'apprêtait à donner le botté d'envoi de sa saison avec la rencontre entre les Saints de La Nouvelle-Orléans et les Packers de Green Bay.

Mais il faut dire que les Américains ne sont pas d'humeur festive, avec un taux de chômage de 9,1% et une croissance de l'emploi qui s'est arrêtée net.

De plus en plus d'économistes craignent que les États-Unis ne replongent en récession. Et c'est avec cette inquiétude en arrière-plan que le président Barack Obama s'est adressé hier soir à tous les membres du Congrès. Si l'on fait exception de l'allocution qu'il a donnée après avoir prêté serment et des traditionnels discours à la nation, c'est seulement la deuxième fois que ce président s'adresse à tous les parlementaires américains réunis.

Pour cet événement exceptionnel, Barack Obama a retrouvé toute sa combativité. Cette fougue qu'il avait perdue au début d'août alors qu'il semblait accablé par les politicailleries de Washington et par la décote de l'agence de notation Standard&Poor's.

C'est vraisemblablement la dernière occasion de Barack Obama d'infléchir le cours de l'économie américaine avec un plan de relance de l'emploi. Avec l'échéance électorale de 2012 qui se rapproche, les chances de faire adopter des programmes ambitieux par un Congrès hautement polarisé s'amenuisent.

Et pour ce discours crucial à sa campagne de réélection, Barack Obama a délaissé les envolées qui sont sa marque de commerce. Pendant son allocution d'une demi-heure, il a emprunté un langage simple et direct pour faire passer son message. Autant auprès des électeurs indépendants qu'il espère séduire qu'auprès des démocrates désenchantés qu'il espère reconquérir après toute une série de petites trahisons. L'abandon, il y a une semaine, de la réglementation qui devait limiter les émissions d'ozone, grand responsable du smog, est encore frais en mémoire.

«Nous ne pourrons pas régler tous les problèmes de la nation, a dit le président Obama. Ultimement, la reprise ne viendra pas de Washington, mais des entreprises et des travailleurs. Mais, nous pouvons aider. Nous pouvons faire une différence.»

Le président américain n'a pas chiffré à voix haute le coût de son American Jobs Act. Avec des dépenses supplémentaires et des pertes de revenus sous la forme de crédits d'impôt, ce programme priverait le fisc de près de 450 milliards de dollars. C'est nettement plus que les 300 milliards ébruités avant le discours.

Pas plus que le président n'a parlé d'un programme pour «stimuler» l'économie. Cette expression avec une forte connotation négative est taboue à Washington.

Mais le American Jobs Act est de la même eau que l'ensemble des mesures de relance de 830 milliards que le président Obama a avalisé en 2009. Réduction des taxes sur la masse salariale payées par les travailleurs et leurs employeurs. Investissements dans les infrastructures de transport et les écoles. Crédit d'impôt pour les entreprises qui recrutent des vétérans et des chômeurs de longue durée. Prolongation des prestations d'assurance-emploi.

Barack Obama a cherché à présenter son American Jobs Act comme un ensemble de mesures raisonnables qui ont déjà obtenu l'assentiment de républicains par le passé. Tout comme il a insisté pour dire que le coût de ce plan sera entièrement financé grâce aux réductions de dépenses et aux impôts supplémentaires que le comité budgétaire bipartite du Congrès doit trouver cet automne. Que sont 450 milliards de plus quand on doit déjà trouver des économies ou des revenus de 1500 milliards?

Mais en pelletant le problème en avant, le président n'a leurré personne. Surtout pas les républicains qui écoutaient son discours avec un visage d'enterrement. Il est impossible que ce Congrès sous influence du mouvement Tea Party approuve l'ensemble de cette oeuvre. Et Barack Obama le sait pertinemment.

Le président Obama fait le pari que les républicains seront coincés entre leurs convictions idéologiques et leur désir de ne pas paraître, aux yeux des électeurs, comme les éternels empêcheurs de danser en rond.

«Ce plan, c'est la bonne chose à faire, et il faut le faire maintenant», a-t-il martelé. Et si vous ne le faites pas, a prévenu le président Obama dans un avertissement clair, «j'irai en parler dans tous les coins des États-Unis».

Si échec il y a, ce sont donc les républicains qui devront en porter l'odieux. C'est du moins ce qu'espère Obama à un an de la présidentielle. Mais c'est un espoir un peu ténu.

À l'exception notable de Ronald Reagan, reconduit à la Maison-Blanche en 1984, aucun président américain n'a réussi à se faire réélire depuis la Seconde Guerre mondiale alors que les États-Unis connaissaient un taux de chômage supérieur à 6%. Or, selon les 51 économistes sondés par l'agence Bloomberg, la prévision médiane du taux de chômage à l'automne de 2012 se situe à 8,5%.

Plus qu'une bataille pour la création d'emplois, c'est une guerre de perceptions.