Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la grande part de l'argent que l'on verse pour acheter des biens importés de Chine reste ici, dit une étude américaine.

Si vous n'aimez pas l'idée que vos dollars aboutissent à Shanghai ou à Pékin lorsque vous achetez du «Made in China», rassurez-vous: la majorité de cet argent - soit environ 55% - restera ici, quelque part en Amérique du Nord.

C'est du moins ce que prétend une étude de la Réserve fédérale de San Francisco (SFFR), dont les conclusions font cependant sourciller des experts.

Cette banque d'État régionale s'est penchée sur l'impact des produits importés de la Chine. Son analyse porte sur l'économie américaine, mais elle fournit aussi une bonne indication des effets des importations chinoises au Canada vu les liens entre nos deux économies.

Ainsi la SFFR soutient que, pour chaque dollar que les Américains dépensent pour acheter un bien «chinois», environ 55 cents US seront empochés par des entreprises américaines.

Lesquelles? Celles qui s'occupent du marketing, de la distribution, du design ou des autres services rattachés à la commercialisation de ces mêmes biens.

Autrement dit, pour cette chemise «Made in China» de 80$ achetée au magasin près de chez vous, environ 44$ aboutiront dans les coffres d'entreprises domestiques.

Impact limité

La SFFR va même plus loin, affirmant que les importations chinoises ne représentent qu'une mince tranche de l'économie. En 2010, seulement 2,7% des dépenses des Américains ont été consacrées à l'achat de biens importés de Chine.

La consommation, rappelons-le, est le moteur de la grosse machine américaine, représentant environ 70% de l'activité économique aux États-Unis.

«La grande majorité des biens et services vendus aux États-Unis est produite ici», soutiennent les auteurs de l'étude, Galina Hale et Bart Hobjin.

Il y a certes des exceptions, dont les meubles, l'électronique et les vêtements qui proviennent surtout d'Asie. Mais les consommateurs dépensent aussi pour plein d'autres choses, comme l'entretien de la voiture, le chauffage et l'électricité ou les visites chez le coiffeur.

C'est sans compter que l'ingénierie, le design et certains composants des appareils électroniques populaires, comme le iPhone, sont souvent l'oeuvre de sociétés d'ici même si ces produits sont assemblés en Chine.

D'ailleurs, l'ensemble des produits importés a représenté seulement 16% de l'économie américaine l'an dernier, selon les deux experts. «C'est parce que les services, qui génèrent les deux tiers de l'activité économique, sont offerts localement», explique la SFFR.

Calculs incomplets

Ces conclusions en étonneront plusieurs compte tenu de la déroute du secteur manufacturier en Occident, une crise surtout attribuée aux fabricants asiatiques.

D'ailleurs, l'étude de la SFFR est «incomplète» et sous-estime l'impact des importations asiatiques, rétorquent deux spécialistes.

L'économiste Peter Navarro et l'homme d'affaires Greg Autry, auteurs du livre Death by China: confronting the Dragon, répliquaient récemment sur leur bloque que la SFFR ne tient pas compte de tous les facteurs.

Par exemple, la location de voitures et de logements rapporte certes à l'économie locale, mais cela crée relativement peu d'emplois. À l'opposé, les outils utilisés pour construire ces maisons ou les pièces des voitures louées - qui sont faits en Asie - génèrent plus de retombées à l'autre bout du monde.

De plus, la SFFR ne tient pas compte des liens entre les fabricants chinois et leurs sous-traitants étrangers. De plus en plus de biens importés sont assemblés en Indonésie ou au Vietnam, même s'ils sont faits à partir de composants chinois. Ces biens ne sont pas répertoriés sous la rubrique «Made in China».

Au final, MM. Navarro et Autry croient qu'il est «impossible» de calculer de manière fiable l'impact des importations chinoises vu les ramifications complexes de l'économie mondiale.

L'important, disent-ils, c'est d'éviter d'embellir la réalité, ce qui conduit nos dirigeants à «mener notre économie dans la dèche», déplorent-ils.

Qui a raison alors? Est-ce qu'on s'en fait trop avec les importations chinoises? Ou doit-on honnir tout ce qui vient de l'autre côté de la Grande Muraille? Bien sage celui qui a la bonne réponse, mais la vérité se situe probablement entre ces deux points de vue.