Je n'en reviens pas de voir à quel point des groupes financiers siphonnent des investisseurs à l'os avec une panoplie de frais, de commissions et primes au rendement. Encore plus désolant, c'est de voir que cette exploitation se fait au vu et au su des commissions des valeurs mobilières (CVMO, AMF, etc.) qui n'imposent pas de restrictions raisonnables.

J'ai deux exemples sous la main, soit le premier appel public à l'épargne de «Discovery 2011 Flow-Through Limited Partnership» et celui de «Front Street Flow-Through 2011-11».

Il s'agit de deux sociétés en commandite qui vont placer le capital récolté dans un portefeuille d'actions accréditives émises par des sociétés d'exploration minière, pétrolière, gazière ou autres ressources. L'émission de Discovery vise une récolte de 50 millions de dollars et celle de Front Street une récolte de 30 millions. Dans le cas de Discovery, le placement minimum est de 2500$, soit l'achat de 100 parts à 25,00$ l'unité. Concernant l'émission de Front Street, le placement minimum est de 5000$, soit 200 parts à 25,00$ pièce.

Qui dit «actions accréditives» dit alléchant abri fiscal. C'est évidemment par l'entremise de cet atout, l'abri fiscal, que les promoteurs de Discovery et Front Street et les conseillers des firmes de courtage vont convaincre des milliers d'investisseurs à placer une partie de leur pécule dans ces sociétés en commandite.

Prenons l'émission de Discovery. L'investisseur québécois imposé au taux marginal maximum devra, par tranche de 1000$ d'investissement, revendre ses parts à un minimum de 646$ (16,15$ la part) pour commencer à rentabiliser son investissement, après les impôts. Cela représente le seuil de rentabilité du placement. C'est donc dire que l'investisseur bénéficiera d'un réel rabais total d'impôt de 354$ par 1000$ de capital investi. On parle ici d'une économie d'impôt de 35,4%.

Dans le cas de l'émission de Front Street, l'investisseur devra, par tranche de 1000$ d'investissement, revendre ses parts au minimum 674$ (16,85$ la part) pour rentrer dans son argent. Le net rabais fiscal est donc de 326$, soit 32,6%. Vous aurez deviné que le rabais fiscal représente la protection de notre capital qui est réellement protégé lorsqu'on investit dans ces sociétés en commandite d'actions accréditives.

Jusque-là, tout est beau. Sur papier s'entend.

Le hic avec ces seuils de rentabilité? Avant d'y parvenir, on vous aura siphonné une montagne de frais de tout acabit. Premièrement, sur la somme que vous investissez, les placeurs pour compte empocheront une commission de 6,75% sur la vente des parts. C'est énorme. Pour votre gouverne, les placeurs pour compte, ce sont les firmes de courtage qui participent à la vente de l'émission par l'entremise de leur réseau de conseillers financiers, ou courtiers si vous préférez.

S'ajoutent à ces commissions, les frais de placement pour préparer l'émission. Ils varient de 1,0% à 2,0% du montant de l'émission.

Le gestionnaire du portefeuille de l'émission touchera pour sa part une rémunération annuelle correspondant à 2,0% de la valeur liquidative du portefeuille et ce tant et aussi longtemps que le portefeuille ne sera pas liquidé.

En outre, la société en commandite devra payer tous les frais d'administration, de commercialisation et d'exploitation reliés au portefeuille de la société en commandite. Ces frais annuels grugeront de 1 à 2% .

La facture de tous ces frais après un an? Elle gruge entre 10,75% et 12,75% du capital.

Passons maintenant à la cerise sur le sundae. Les gestionnaires des deux émissions vont se verser une prime de rendement égale à 20% de la valeur liquidative qui excèdera 28,00$ la part.

Je vous rappelle ici que l'investisseur doit débourser 25,00$ la part. Les gestionnaires prévoient donc qu'au-delà de la barre des 28,00$ (soit après un gain de 3,00$ ou 12%), ils auront le droit d'empocher le cinquième de tout gain supplémentaire.

Incroyable! Si les placements s'avèrent le moindrement rentables, ces gestionnaires vont se verser une gratification à hauteur de 20% des profits, alors qu'ils ne courent aucun risque, contrairement aux investisseurs, et qu'ils sont déjà fort bien rémunérés pour la gestion des portefeuilles.

Dans le cas de Discovery, le gestionnaire de portefeuille, c'est la firme Middlefield Capital Corporation. Du côté de la société en commandite Front Street, c'est «Front Street Investment Management» qui gère le portefeuille de placements. Les deux firmes sont de Toronto.

Les firmes de courtage qui agissent comme placeurs pour compte de l'émission Discovery sont RBC Dominion valeurs mobilières, Marchés mondiaux CIBC, Financière Banque Nationale, BMO Nesbitt Burns, Gestion privée Macquarie, Placements Manuvie Incorporée, Valeurs mobilières Dundee Ltée, Middlefield Capital Corporation et Valeurs mobilières Union Ltée.

L'émission de Front Street a conclu une entente avec les placeurs pour compte Financière Banque Nationale, Marchés mondiaux CIBC, RBC Dominion valeurs mobilières, Marchés financiers Macquarie Canada Ltée, Tuscarora Capital, Valeurs Mobilières Dundee ltée, Placements Manuvie Inc. et Capital Sherbrooke Street (CSS) Inc.

Il serait grandement temps que les commissions des valeurs mobilières protègent les investisseurs contre ce genre de frais vraiment abusifs à mes yeux.