Les modifications majeures qui seront apportées au Régime des rentes du Québec (RRQ), à partir de janvier prochain, vont permettre de renflouer allègrement les coffres de la réserve du régime public.

Selon le récent rapport actuariel déposé par l'actuaire en chef de la RRQ, Pierre Plamondon, la réserve du régime atteindrait les 130 milliards de dollars en 2040. Cela représente 3,1 fois les sorties de fonds de l'année suivante. Ce qui serait amplement suffisant pour sécuriser le régime.

C'est d'ailleurs le même ratio réserve/sortie de fonds de 3,1 que le régime tentera de conserver au fil des cinq prochaines décennies. D'après les projections de l'équipe de M. Plamondon, la réserve de la RRQ atteindrait 254 milliards en 2060. Condition importante: encore faudra-t-il que le rendement anticipé de la cagnotte confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec puisse atteindre environ 7% l'an.

Rappel important: si l'actuel taux de cotisation à la RRQ restait au beau fixe, soit à 9,9% du salaire admissible, le régime se retrouverait avec des coffres complètement vides en 2039, et ce malgré le fait que la réserve actuelle s'élève à quelque 33 milliards.

À quoi attribue-t-on cet assèchement de la réserve de la RRQ? Eh oui! au vieillissement. La population du Québec approche présentement les huit millions. La tranche des 20 à 64 ans, qui compte près de 5 millions de personnes, est actuellement quatre fois plus grosse que celle de 65 ans et plus, dont le nombre de têtes s'élève à 1,2 million.

En 2040, la population augmenterait à neuf millions. Mais la tranche des «20-64 ans» baisserait à 4,9 millions de citoyens alors que le nombre des «65 ans et plus» doublerait ou presque en passant à près de 2,4 millions. Ainsi, le ratio «20-64 ans» contre «65 ans et plus» baisserait de moitié. De quatre, il tomberait à seulement deux fois le nombre de personnes âgées. S'ajoutera à cela un prolongement de l'espérance de vie de quelques années.

Donc, qui dit vieillissement, dit automatiquement augmentation du nombre de prestataires du régime RRQ. Le nombre de bénéficiaires de la rente de retraite de la RRQ passera de 1,4 million en 2010 à quelque 2,8 millions d'ici 2050. Pendant ce temps-là, le nombre de cotisants à la RRQ grimpera à peine de 3,9 à 4,3 millions.

«En 2010, on compte trois cotisants pour chaque bénéficiaire de la rente de retraite. Dès 2021, on compte moins de 2 cotisants pour chaque bénéficiaire.»

Par rapport à de telles projections, on comprend que les coffres de la réserve de la RRQ allaient forcément se vider d'ici les 19 prochaines années si aucune mesure correctrice n'était apportée pour assurer le financement du régime.

«Le taux de cotisation de 9,9% n'assure donc pas un financement stable du Régime à long terme, explique l'actuaire Plamondon. Si rien n'avait été fait, cette situation aurait obligé les générations futures à assumer un taux de cotisation de plus de 12% à compter de 2039.»

Lors de son dernier budget, le gouvernement Charest a suivi les recommandations de l'équipe d'actuaires de la RRQ en adoptant un train de nouvelles mesures devant permettre au régime d'augmenter sensiblement ses revenus, tout en se constituant une solide réserve. Cela évitera aux générations futures de subir des fortes hausses de cotisations.

Un rappel des nouvelles mesures. Commençons par la hausse du taux de cotisation. On subira à compter de 2012 une augmentation progressive du taux et ce pendant six ans de suite, à raison d'une hausse 0,15% par année. Le taux passera ainsi de 9,9% à 10,80% en 2017. Par après, un mécanisme de fixation automatique du taux est prévu pour garantir, si besoin est, la sécurité financière du régime.

À elle seule, la hausse du taux de cotisation rapportera à compter de 2018 quelque 1,3 milliard de plus de revenus de cotisations par année. En raison de l'inflation et de la hausse annuelle des salaires admissibles à la cotisation de la RRQ, cette hausse de taux à 10,8% devrait rapporter en 2040 la somme additionnelle de 3 milliards en cotisations par année. Et rendu en 2060, on projette des revenus supplémentaires de 6,4 milliards, juste avec cette hausse à 10,8% par rapport au taux actuel de 9,9%.

Deuxième mesure adoptée par le gouvernement Charest dans le but d'assurer la pérennité du régime de la RRQ: une nouvelle modulation des facteurs de rajustement à la rente de retraite.

Présentement, la rente est ajustée comme suit: une baisse de 6% par année lorsqu'une personne demande sa rente de retraite avant 65 ans (donc une réduction de 30% si elle est prise à partir de 60 ans), à comparer à une hausse de 6 % par année quand la personne demande sa rente après 65 ans (à 70 ans, cela procure une rente bonifiée de 30% par rapport à la rente normale à 65 ans).

Selon la nouvelle modulation, la révision à la baisse sera de 7,2% pour chaque année précédant le 65e anniversaire d'une personne, soit une diminution de 36% de la prestation demandée à 60 ans. D'autre part, la révision à la hausse prévoit une majoration de 8,4% par année, ce qui donnera une prestation bonifiée de 42% lorsqu'elle est demandée à partir de 70 ans.

La modulation à la baisse sera graduellement introduite entre 2014 et 2016 tandis que la révision à la hausse débutera en 2013.

Étant donné que l'ajustement à la hausse est supérieur au rajustement à la baisse, on serait porté à croire que le régime sera perdant. Eh non! Le régime s'en sortira grandement gagnant puisque cela lui «rapportera» une économie annuelle de prestations d'un milliard en 2040 et de 2,6 milliards en 2060.

Selon l'actuaire en chef Pierre Plamondon, cette gigantesque économie de prestations attribuable à la nouvelle modulation est strictement due au fait qu'il y a 79% des prestataires qui demandent leurs rentes entre 60 et 64 ans, à comparer à seulement 2% après 65 ans.

Notez que les personnes nées en 1953 ou avant ne seront pas visées par la nouvelle modulation à la baisse de la rente.

La rente de la RRQ s'élève présentement à un maximum de 960 $ par mois, soit 11 520$ par année. Basée sur un revenu de travail maximum de 48 300$, la cotisation maximale atteint cette année 4435$, payable en parts égales par le salarié et son employeur, ou entièrement par le travailleur autonome.