Si vous faites partie de la longue liste des fournisseurs (entreprises, consultants, etc.) des 150 municipalités qui font actuellement l'objet de l'enquête de l'Agence du revenu du Canada (ARC) sur l'évasion fiscale, auriez-vous oublié de déclarer une partie des revenus empochés au cours des quatre dernières années?

Si tel est le cas, ça risque de vous coûter très cher en pénalités advenant que l'ARC vous pince à la suite de sa vaste vérification des contrats et factures dévoilés par les municipalités.

Un ex-vérificateur de l'ARC, le fiscaliste Pierre Nadeau, de la firme Jurifisc, a bien voulu nous donner des précisions. «À titre de rappel, dit-il, les revenus non déclarés sont habituellement soumis à une pénalité représentant 50% de l'impôt éludé. Dans le cas des poursuites pénales, l'ARC peut réclamer, si le contribuable est déclaré coupable de fraude, l'imposition d'une pénalité pouvant aller jusqu'à 200% de l'impôt éludé [en plus des 50% de pénalité au civil] et des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans.»

La mise en garde étant faite, il n'est pas trop tard pour retrouver la mémoire et ainsi régulariser votre situation fiscale avant que le fisc ne s'en mêle. Comment? En faisant tout de go une divulgation volontaire sur les revenus que vous avez omis de déclarer. Pour ce faire, il faut remplir le formulaire RC 199, du «Programme des divulgations volontaires» de l'ARC.

L'avantage? Cela vous permettra d'éviter les onéreuses pénalités et les éventuelles poursuites de nature pénale ou criminelle.

«Une divulgation volontaire consiste à informer le fisc de revenus non déclarés afin d'éviter les pénalités et les poursuites pénales, explique M. Nadeau. Le programme des divulgations volontaires est offert aux contribuables qui ne font pas encore l'objet d'une vérification. Si l'ARC dispose de renseignements, dont le nom du contribuable, dans le cadre d'une vérification comme celle qu'elle s'apprête à entreprendre, il sera généralement trop tard pour bénéficier du programme de divulgation volontaire.»

Vous ne faites pas confiance à la bonne foi de l'ARC? Sachez que vous pouvez, par l'entremise d'un intermédiaire (fiscaliste, comptable), effectuer initialement une divulgation anonyme.

«Les contribuables qui ne sont pas certains de vouloir effectuer une divulgation peuvent, dans un premier temps, le faire de façon anonyme avec l'aide d'un représentant afin de pouvoir entamer des discussions préliminaires concernant leur situation. Le représentant doit, pour amorcer ce processus, remplir le formulaire RC199 au nom de son client.»

Dans un tel cas, ajoute M. Nadeau, les autorités fiscales vont examiner les renseignements préliminaires, tout en donnant des conseils sur les répercussions fiscales liées aux faits présentés de façon anonyme.

Il revient au contribuable de juger par la suite s'il vaut la peine ou pas de régulariser sa situation fiscale... ou courir le risque de se faire épingler.

En passant, toutes les grandes villes de la province ou presque sont dans la ligne de mire des limiers de l'Agence du revenu du Canada. Ainsi, les villes de Québec, Laval et Longueuil, notamment, sont visées au même titre que Montréal, qui avait déjà fait l'objet d'une telle vérification l'automne dernier.

Les vérifications seront menées par les divers bureaux des services fiscaux au Québec. Parenthèse: seules les municipalités du Québec sont en vérification fiscale de l'ARC. Une drôle de façon pour la Belle Province de se distinguer!

Notez que la vaste vérification des contrats municipaux porte sur les quatre dernières années, soit 2007, 2008, 2009 et 2010.

Fort de son expérience à titre d'ex-vérificateur de l'ARC, Pierre Nadeau nous explique la mécanique de l'enquête. «Une fois l'information reçue des municipalités, l'Agence du revenu du Canada (ARC) va commencer son processus d'analyse. Les données reçues seront comparées aux informations apparaissant sur les états financiers joints aux déclarations de revenus des contribuables. L'ARC pourra par la suite décider de mettre un certain nombre de contribuables en vérification. Selon mon expérience, les sélectionneurs vont notamment examiner l'historique de conformité à la loi, la valeur relative en dollars des sommes reçues des municipalités par rapport à celles déclarées.»

«Toutes les entreprises [et les individus en affaires] faisant affaire avec des municipalités sont touchées par la requête et non seulement celles du secteur de la construction. Certains contribuables vont subir des vérifications dites «au bureau», c.-à-d., l'ARC va leur poser certaines questions visant à vérifier l'observation de la loi. C'est habituellement le cas des entreprises de petite taille. Cela se fait habituellement par l'entremise d'un questionnaire. D'autres contribuables vont subir des vérifications sur place [à leur établissement]. Normalement, ces contribuables ne sauront pas les raisons de la vérification qui va passer pour une vérification de «routine». Finalement, d'autres contribuables, qui n'ont pas produit une déclaration de revenus, seront sommés de le faire et de payer leurs impôts.»

Voilà. Si vous recevez un nouvel avis de cotisation pour des revenus «municipaux» non déclarés, au moins vous aurez été prévenu. N'oubliez pas que Revenu Québec vous attendra également au détour!