Ils sont peu endettés, riches en ressources naturelles et leur économie est bouillonnante. Pas surprenant que de petits pays d'Amérique latine, comme le Chili ou le Pérou, attirent les jeunes du Vieux Monde.

Les exploits économiques du Brésil sont bien connus sur la planète. Mais d'autres pays d'Amérique latine connaissent aussi un petit eldorado, qui fait des envieux.

À preuve, dans les ambassades du Chili, du Pérou ou de la Colombie à Madrid et à Lisbonne, de jeunes Espagnols et Portugais font la file ces temps-ci pour obtenir un permis de travail ou un droit de nouer des liens commerciaux.

Le quotidien espagnol El País a rapporté, au cours des derniers jours, que les demandes de visas, pour des motifs professionnels, auprès des «cousins hispaniques» d'outre-mer ont presque doublé dans certains cas.

Le profil type des demandeurs: environ 30 ans, diplômés universitaires et, surtout, «exaspérés» par la situation économique dans leur pays. Ils ont un capital et «veulent partir pour investir», comme les décrit la consule colombienne Lucy Osorno. La Colombie, qui prévoit une croissance économique de 10% l'an prochain, «offre de nombreuses perspectives d'investissement et de travail», a-t-elle ajouté.

C'est dire à quel point les choses ont changé.

Il y a un an, le président de la Banque interaméricaine de développement, Luis Alberto Moreno, l'avait pourtant prédit: «Nous amorçons la décennie de l'Amérique latine», a-t-il dit.

Le banquier a aussi souligné, avec un malin plaisir, que le déficit public de l'Amérique latine, Mexique compris, n'atteint que 2,3% du PIB, contre 6,8% pour l'ensemble de l'Europe et 10,6% aux États-Unis.

Les derniers rapports économiques semblent lui donner raison. Le Chili connaît même une véritable résurrection.

L'économie de ce petit pays de 15 millions d'habitants a enregistré une croissance de 7,3% en mai, a-t-on appris mercredi dernier. Cela fait suite à un bond de 9,8% au premier trimestre - la plus forte croissance en cinq ans et la meilleure de toute l'Amérique latine.

Le Chili se relève de façon spectaculaire du tremblement de terre meurtrier de février 2010, qui avait ravagé le sud du pays en plus de faire plus de 500 morts.

Ce séisme a causé pour 25 milliards US de dommages - un choc énorme équivalant à environ 15% de l'économie chilienne. C'est comme si une catastrophe infligeait pour 130 milliards de dollars dégâts au Canada.

Dans l'ensemble, le plan de reconstruction du nouveau président chilien, M. Sebastián Piñera, est donc un succès. Le Chili a su profiter de son Fonds de stabilisation économique - une jolie cagnotte de 10 milliards qui provient de sa production de cuivre.

Le Chili est le champion mondial de ce secteur, avec plus du tiers de la production du «métal rouge», la couleur du cuivre à l'état naturel. Santiago avait constitué il y a quelques années ce fonds «pour les mauvais jours», qui cumule une part des bénéfices de la société d'État, la Codelco, premier producteur de cuivre du pays.

Pérou

Un autre félin du continent est le Pérou. Cette petite économie a crû de 8,8% au premier trimestre à la faveur surtout des investissements étrangers dans l'industrie minière.

Ces chiffres sont impressionnants, mais ils n'effacent pas tous les doutes au sujet des «jaguars» de l'Amérique du Sud. La politique, entre autres, reste un point d'interrogation.

Le Pérou, par exemple, a choisi la «grande transformation» promise par l'ancien militaire et nationaliste de gauche Ollanta Humala, qui a remporté l'élection présidentielle en juin. Mais, au lendemain de sa victoire, la Bourse de Lima a chuté de 8,7%, plombée par la chute des sociétés minières du pays.

Humala veut taxer les profits du secteur minier, moteur de la croissance depuis 10 ans. Il a tenté de rassurer les investisseurs en se démarquant des orientations extrêmes de son vis-à-vis du Venezuela, Hugo Chavez. Mais les craintes persistent.

La drogue est un autre problème. Selon l'Organisation des Nations unies, le Pérou a rattrapé et peut-être supplanté la Colombie en tant que premier fournisseur mondial de cocaïne.

De plus, les inégalités sociales demeurent bien présentes. Environ 20% des habitants du Pérou n'ont pas accès à l'eau courante, selon l'ONU. Au Chili, la pauvreté extrême touche encore 18% des habitants, alors que près de 60% du revenu national est entre les mains d'un cinquième de la population qui, en plus, souffre d'une inflation élevée.

Néanmoins, à l'heure où les bonnes nouvelles se font rares dans l'hémisphère Nord, l'essor économique de l'Amérique du Sud reste globalement une bonne chose. Et pour beaucoup de jeunes Portugais et Espagnols, c'est même leur seul espoir.