À quelques jours de son 60e anniversaire, Ayman al-Zawahiri vient de recevoir le cadeau dont il rêvait depuis des décennies: se hisser au poste de grand patron d'une organisation de l'envergure d'Al-Qaïda.

Sauf qu'il y parvient à un drôle de moment, alors que le réseau terroriste, qui a déjà perdu bien des plumes, risque d'en perdre encore plus à la faveur du printemps arabe. Réputé pour son fanatisme, mais aussi pour son manque total de charisme, le chirurgien égyptien a une pente abrupte à remonter s'il veut redonner à l'organisation son lustre d'il y a 10 ans.

Son principal défi? «Prouver qu'Al-Qaïda n'est pas un groupe has been», résume Gary LaFree, directeur du Consortium national d'études du terrorisme, affilié à l'Université du Maryland, aux États-Unis.

Issu d'une influente famille du Caire, Ayman al-Zawahiri est tombé dans le militantisme à l'âge de 15 ans, à la suite de l'exécution d'un leader du mouvement des Frères musulmans, Sayyid Qutb. Adolescent fougueux, il ne manquait pas de courage. «Il a participé à des manifestations à une époque où cela pouvait lui valoir la peine de mort», souligne Omar Ashour, directeur du programme d'études du Proche-Orient à l'Université Exeter, en Grande-Bretagne, et chercheur affilié à l'Université McGill.

Parallèlement à ses études, Ayman al-Zawahiri s'est joint au djihad islamique égyptien dans les années 70. En 1981, il est arrêté dans la foulée de l'assassinat du président Anouar el-Sadate, signataire d'un traité de paix avec Israël. Il passe ensuite trois années en prison, où il est battu et torturé. Il en sort transformé en violent extrémiste, selon les témoignages d'anciens codétenus.

Suivent des années d'errance, en Arabie Saoudite, où il fait connaissance avec le jeune Oussama ben Laden, puis au Pakistan et en Afghanistan. Les attentats commandités par le djihad islamique font plus d'un millier de morts en Égypte dans les années 90. En 1998, alors que les islamistes égyptiens se détournent progressivement de la violence, le groupe du Dr al-Zawahiri se joint à Al-Qaïda.

À titre de numéro 2 de l'organisation, l'Égyptien à lunettes s'occupe davantage d'administration que d'idéologie. On le dit chicanier, obsédé par les petits détails, mais aussi ultraviolent et fervent adepte des décapitations.

Pour ce qui est d'inspirer les fidèles, il n'arrive pas à la cheville de ben Laden. C'est le degré zéro du charme, selon Omar Ashouf, qui a déjà interviewé des sympathisants d'Al-Qaïda. «L'un m'a dit que, dès qu'il entendait al-Zawahiri, il avait envie de dormir.»

Bref, «al-Zawahiri peut parler aux croyants, mais il ne fera pas de convertis».

Or, plus que jamais, Al-Qaïda a besoin de convaincre. Les attentats commandités par la nébuleuse terroriste depuis le 11 septembre ont tué des milliers de musulmans. Et le terrorisme est devenu de plus en plus impopulaire: selon un récent sondage de l'Institut PEW, l'appui aux attentats-suicide ne cesse de décliner dans le monde musulman. Exemple: en 2002, 43% des Jordaniens appuyaient les attentats suicide. Ils ne sont plus que 13%. Au Liban, l'appui aux attentats est passé de 74 à 35%. Au Pakistan: de 33 à 4%.

La violence comme arme politique devient de plus en plus difficile à vendre. Et maintenant, il y a les révolutions arabes. Pendant toute sa «carrière», Ayman al-Zawahiri a cherché à faire tomber le régime égyptien, qu'il jugeait trop proaméricain. Il n'y est jamais parvenu, malgré des dizaines d'attentats et des centaines de morts. Mais il a suffi de 18 jours de manifestations pacifiques pour que le dictateur quitte la scène. «C'est quand même assez ironique», souligne Gary LaFree.

Ironique, en effet. Et Ayman al-Zawahiri doit bien le savoir, lui qui, depuis le mois de janvier, a fait diffuser pas moins de cinq messages dans lesquels il tente d'associer les révolutions arabes au djihad. Cette tentative de récupération opportuniste ne lui fait pas beaucoup d'amis.

Lacunes personnelles, contexte politique difficile, mais il y a aussi les problèmes d'argent. Al-Qaïda a de plus en plus de difficulté à joindre les deux bouts. Or, les origines égyptiennes de son nouveau patron pourraient en détourner quelques financiers traditionnels.

Décidément, la direction d'Al-Qaïda, ce n'est pas tout à fait un cadeau...