La Coalition pour l'avenir du Québec a choisi de dévoiler sa plateforme politique en plusieurs temps. Mais le groupe piloté par François Legault et Charles Sirois a joué de malchance. Quand ce n'était pas les inondations en Montérégie ou la campagne électorale fédérale, c'était le vaudeville du nouvel amphithéâtre de Québec qui retenait l'attention.

Aux nouvelles, les propositions de François Legault ont été escamotées. Au point où la fusion pressentie entre la Coalition et l'Action démocratique du Québec a semblé être la seule question d'intérêt.

Le document de réflexion sur l'économie mérite pourtant qu'on s'y attarde. Sur le plan des idées comme sur le plan politique, puisque plusieurs sondages récents attestent de la popularité de ce parti fantôme.

Les constats de départ de la Coalition sont justes. Écart de richesse entre le Québec et les gouvernements voisins. Investissements privés faméliques. Perte de sièges sociaux et risque d'exode des jeunes Québécois les plus brillants.

Pour pallier ces menaces, la Coalition vise à développer une «économie de propriétaires», et non plus de succursales. En encourageant l'entrepreneuriat. En favorisant l'innovation et la productivité. En accélérant les investissements. Etc.

Personne n'est contre la vertu. Le débat tourne véritablement autour des moyens pour y parvenir. Moyens qui, forcément, ne sont pas illimités dans ce Québec fauché.

Des mesures proposées, il y a du bon et du moins bon et même de l'ésotérique. (Ainsi cette idée reprise d'un dirigeant de McKinsey, Dominic Barton, d'accorder des droits de vote multiple aux actionnaires d'entreprises à charte québécoise qui conservent leurs actions plus de 12 ou 24 mois, pour contrer le capitalisme à court terme.)

Mais, commençons par le meilleur. La Coalition compte faire le ménage dans les 95 crédits d'impôt et déductions fiscales destinés aux entreprises. Ces mesures incitatives privent le fisc d'environ 4 milliards de dollars par année.

Du lot, la Coalition conserve et bonifie les mesures qui favorisent les investissements en technologie. Mais elle en élimine plusieurs. Lesquels? François Legault refuse de les identifier, de crainte que les mécontents se dressent sur son chemin. Mais, à l'évidence, les défenseurs de certaines industries auront intérêt à prouver l'efficacité de leurs mesures.

C'est avec l'argent ainsi dégagé que la Coalition prévoit corriger une iniquité qui décourage le transfert d'une entreprise à la descendance de ses fondateurs. Quand un propriétaire vend son entreprise à un étranger, son profit est considéré comme un gain en capital. Mais lorsque la société est vendue aux enfants du fondateur, ce gain est considéré comme un dividende. Or, les dividendes sont plus lourdement imposés: ils ne jouissent pas d'une exemption sur les premiers 750 000$ empochés.

Pour doubler cette exemption et l'appliquer aussi bien aux dividendes qu'aux gains en capital, il en coûterait 385 millions de dollars, estime la Coalition. Une somme qui serait financée à même les coupes dans les incitatifs fiscaux.

Ce réaménagement implique toutefois des discussions avec le gouvernement fédéral. Par ailleurs, aucune réforme fiscale ne palliera le désintérêt souvent constaté chez la deuxième ou la troisième génération.

Autre mesure intéressante, le rachat de terres agricoles par de nouvelles mutuelles ou fiducies régionales. Ces mutuelles pourraient les louer à long terme à des producteurs. Cela permettrait aux producteurs plus âgés de monétiser leur investissement et de prendre leur retraite, et à de jeunes producteurs de prendre la relève, sans trop s'endetter. La propriété québécoise des terres serait maintenue, ce qui renforcerait la sécurité alimentaire de la province.

D'autres mesures sont toutefois plus discutables. Ainsi, la Coalition veut que la Caisse de dépôt et placement et Québec interviennent plus dans l'économie québécoise, un dada de François Legault.

Pour cet ex-ministre péquiste, les droits d'exploration et les redevances minières, même relevées à 16%, sont insuffisants pour que le Québec profite de son sous-sol. Il souhaite que la Caisse consacre 5 milliards à la création d'un fonds d'investissement dans les ressources. Ce fonds investirait non pas dans les actions de sociétés minières, mais dans les projets d'exploitation de ces entreprises au Québec. À cette somme considérable s'ajouteraient les fonds d'investisseurs individuels, sollicités par un appel public à l'épargne.

Mais qui a dit qu'un projet en sol québécois serait nécessairement bien géré? La Caisse s'exposerait à des risques dans une industrie cyclique sans pour autant contrôler la destinée de ces projets à titre de partenaire minoritaire. Si Québec veut profiter du boom des ressources, il est plus simple et moins risqué de relever, disons de 16% à 20%, les redevances sur les profits miniers. Surtout que la Coalition veut consacrer les nouvelles redevances à la réduction de la dette du Québec.

Plus largement, la Coalition revendique des investissements accrus dans les PME en voie d'expansion comme dans les «champions» du Québec.

La Caisse s'est engagée à appuyer les sociétés de taille moyenne avec un potentiel à l'international. Toutefois, ce discours ne s'est pas encore traduit par une hausse marquée de ses investissements au Québec.

Ainsi, il est troublant de constater que la Caisse détient seulement 1% des actions de la Banque Nationale, une institution névralgique pour Montréal. (Surtout que la Nationale ne dispose d'aucune dragée toxique pour l'aider à contrer une offre d'achat non sollicitée.) Or, on ne peut pas prétendre que son action représentait un mauvais investissement ces 12 derniers mois.

Toutefois, exiger de la Caisse qu'elle détienne des participations d'influence dans les «champions» du Québec immobiliserait une grande partie de son actif. Tout en lui faisant courir des risques élevés qui menaceraient le rendement dont dépendent des millions de retraités.

Sous la direction du chef des placements, Roland Lescure, la Caisse privilégie une pondération par industrie plutôt que par région géographique. Cette approche paraît mieux adaptée à une économie mondialisée.

Laissons aux nouveaux gestionnaires de la Caisse la latitude dont ils ont besoin pour faire leur travail. Laissons-leur le temps de faire leurs preuves. De Provigo à Vidéotron, la Caisse a un historique d'interventions ratées au nom d'un nationalisme aveugle. Après le fiasco du papier commercial, qui s'explique par la recherche du rendement à tout prix, les retraités québécois n'ont plus les moyens de faire les frais d'un autre égarement.