Faut-il prendre pour du cash le nouveau slogan budgétaire du gouvernement Harper, «Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi» ?

Chose certaine, on passera à la caisse! Pour la seule année 2011-2012, notre facture d'impôt fédéral sur le revenu va augmenter de 10,5 milliards de dollars par rapport à l'année se terminant à la fin du mois. Ajoutons à cela l'augmentation de la facture des taxes et des droits d'accise de 1,5 milliard. Quand on me parle «des impôts bas» et que la facture fiscale grimpe de 12 milliards en une seulement année, je me trouve... chanceux de payer de si bas impôts!

Pensons-y deux petites minutes. Avec les mêmes taux d'impôt, de taxes et de droits, on paiera collectivement cette année 6,2% de plus que l'an dernier. Quand je compare cette future hausse de notre facture fiscale à l'inflation prévue de 2%, je me dis: est-ce que la créativité fiscale me cache quelque chose? En fait, si le gouvernement fédéral réussit à nous soutirer un plantureux supplément de revenus fiscaux de 12 milliards, c'est en raison de l'arrivée à échéance des mesures du Plan d'action économique et bien entendu... de la reprise économique.

Dans son discours sur le nouveau budget, le ministre des Finances, Jim Flaherty, en a beurré épais en nous rappelant que depuis leur arrivée au pouvoir en 2006, les conservateurs ont lancé plus de 120 mesures de réduction d'impôt pour les travailleurs, les familles et les entrepreneurs créateurs d'emplois.

Les plus célèbres? La baisse du taux de la TPS de 7 à 5%; l'entrée en vigueur de la prestation universelle pour la garde d'enfants de 1200$ par année, le CELI (compte d'épargne libre d'impôt), l'abolition de l'impôt fédéral pour 1 million de Canadiens à faible revenu, le lancement du Plan d'action économique du Canada avec ses investissements massifs dans les infrastructures, la bonification du régime des prestations d'assurance-emploi, etc.

Grâce à cela, ajoute le ministre Flaherty, l'économie canadienne s'est très bien tirée d'affaire lors de la dernière récession. La communauté internationale, dit-il, «a considéré le Canada comme un modèle et une source d'inspiration».

Comme de nombreuses menaces subsistent en cette période d'incertitude mondiale, le gouvernement Harper affirme vouloir assurer la relance de notre économie. Comment? En lançant une sorte de phase 2 de son Plan d'action économique, qui vise à améliorer la sécurité financière des plus démunis parmi les travailleurs, les aînés et les familles.

Pour ce faire, le ministre a annoncé une nouvelle série de mesures fiscales visant à saupoudrer ici et là des centaines de millions de dollars, dont une bonification du Supplément de revenu garanti et des crédits d'impôt destinés aux activités artistiques des enfants, aux pompiers volontaires, aux aidants familiaux, etc.

Revenons au slogan: «Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi».

À la lumière des projections financières effectuées pour les cinq prochaines années, je conseille au gouvernement Harper de se garder une petite gêne quand il nous parle des impôts, des taxes, des droits d'accise, etc. Lorsque le gouvernement tient à nous rappeler la baisse d'impôt qu'il nous a antérieurement accordée, il reporte et comptabilise le montant annuel des impôts économisés généralement sur une période de cinq ans. Et il additionne lesdites baisses annuelles pour nous présenter un montant global sur cinq ans. J'ai décidé d'appliquer la même recette aux prévisions quinquennales des hausses de revenus et de dépenses que le gouvernement conservateur nous présente dans son nouveau budget.

Prenons l'impôt sur le revenu. Par rapport à l'année 2010-2011, le gouvernement Harper prévoit nous refiler des hausses annuelles d'impôt qui totaliseront en cinq années presque 154 milliards de dollars. Ce chiffre représente l'écart entre les recettes de chacune des années à venir (2011-2012, 2013, 2014, 2015 et 2016) et les recettes de l'année de référence, qui est 2010-2011. Au chapitre des taxes (TPS) et droits d'accise, on écopera d'augmentations annuelles totales de 25,7 milliards.

Ce qui portera le total des hausses annuelles de revenus fiscaux à 179,7 milliards, pour les cinq prochaines années.

Du côté de l'assurance emploi, les travailleurs et les employeurs verseront en cinq ans 24,3 milliards de plus en hausses annuelles de cotisations. Et dans la catégorie «Autres revenus», le gouvernement fédéral prévoit encaisser 18,7 milliards de plus.

Décompte des augmentations annuelles de revenus budgétaires que le gouvernement Harper prévoit aller chercher dans nos poches au fil des cinq prochaines années: 223 milliards.

Regardons maintenant les dépenses gouvernementales. Eh bien! les augmentations annuelles des charges budgétaires (dépenses des programmes, frais de la dette publique) s'élèveront pour les cinq prochaines années à une somme totale de 75,4 milliards.

C'est donc dire que d'ici 2015-16, le total des hausses annuelles d'impôt, de taxes, de droits, de cotisations... sera presque trois fois plus élevé que les augmentations annuelles des dépenses gouvernementales. Voilà le vrai coût fiscal de la fabuleuse facture du Plan d'action économique.

Comme prix de consolation, je vous rappelle qu'en 2015-2016, il n'y aura plus de déficit. Les recettes atteindront 309 milliards (soit 31,2% de plus que 2010-2011) alors que les dépenses, elles, passeront à 305 milliards, soit 10,5% de plus que l'année financière tirant à sa fin.