«Un repas chaud par personne.» En voyant le petit écriteau devant le buffet des médias, je n'ai pu m'empêcher de sourire et d'y voir un lien avec l'exercice budgétaire défendu hier par le ministre des Finances, Raymond Bachand.

(Je précise tout de suite, afin d'éviter les accusations de favoritisme, que les médias payent pour le repas servi aux huis clos budgétaires.)

Le budget du gouvernement du Québec, avec sa multitude de programmes, ressemble encore à un grand buffet. Mais, pour la deuxième année consécutive, le ministre des Finances limite les portions.

L'an dernier, Raymond Bachand avait donné un grand coup pour accroître les revenus, notamment avec une ponction destinée au régime de soins médicaux et une hausse des tarifs d'Hydro-Québec. Le ministre avait aussi ouvert la porte à une hausse marquée des droits de scolarité.

Cette année, il nous annonce que, si on ne fait rien pour sauver notre régime de retraite public et nos universités, nous courons tout droit vers de graves problèmes.

Remarquez, il y a un bon moment que l'on sait cela, mais comme les gouvernements successifs n'ont pas eu le courage d'y voir, le réveil est brutal. En particulier pour les contribuables de la classe moyenne âgés de 30 à 50 ans. Ces gens-là sont nés à l'époque de la théorie alléchante de la société des loisirs. Ils savaient qu'ils bénéficieraient d'une éducation supérieure de qualité à bas prix et pouvaient rêver d'une retraite décente à 55 ou 60 ans.

La réalité, c'est qu'ils devront vraisemblablement travailler jusqu'à 70 ans, que leur retraite leur coûtera plus cher et que, de plus, ils devront payer deux ou trois fois plus cher pour envoyer leurs enfants à l'université. Ah, vous rêviez? Eh bien, payez, maintenant!

Que l'on aime ou non les solutions proposées par le ministre Bachand, on ne peut qu'être d'accord avec sa conclusion: «Partout, les régimes de retraite subissent des pressions en raison de leur manque de financement. Plusieurs pays, notamment en Europe, ont augmenté l'âge minimal de la retraite pour faire face à cette situation. Au Québec, nous n'en sommes pas là, mais nous devons intervenir afin d'assurer la pérennité du Régime de rentes du Québec, notre grand régime collectif.»

La sortie du marché du travail sera donc plus difficile. Le chemin pour y arriver aussi, à cause d'une augmentation substantielle des droits de scolarité.

Encore une fois, on peut désapprouver les hausses annoncées et leur rythme, mais on sait depuis un bon quart de siècle que l'on ne fait que creuser, année après année, le sous-financement des universités.

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a accusé le gouvernement de «porter un coup à la tête» du Québec. Le choc aurait certes été moins violent si on avait évité de pelleter le problème en avant depuis des années.

Avec de telles mesures, ce budget sera déjà difficile à vendre. Mais le gouvernement part de plus avec un boulet qu'il s'est lui-même attaché à la cheville l'an dernier: la réduction des dépenses, promise par le ministre Bachand et présentée comme «sa» contribution aux efforts budgétaires.

Raymond Bachand et sa collègue du Trésor, Michelle Courchesne, ont passé une bonne partie de leur longue conférence de presse à tenter, tant bien que mal, de convaincre les nombreux sceptiques qu'ils ont atteint leur objectif.

Pour faire passer la pilule des nouveaux tarifs, l'an dernier, M. Bachand n'avait pas eu le choix de promettre de faire du ménage dans sa propre cour, mais il est rarissime qu'un gouvernement atteigne de telles cibles.

Du coup, un engagement de rigueur budgétaire est devenu, selon Nicolas Marceau, critique péquiste en matière de finances, une promesse non tenue, voire «une fraude intellectuelle».

Si le tandem Bachand-Courchesne n'a pas réussi à convaincre tout le monde, l'opposition officielle a eu du mal à expliquer sa position sur les droits de scolarité. Et à proposer un autre remède crédible aux maux budgétaires du Québec.

L'opposition s'oppose, c'est bien connu, mais le Parti québécois qui accuse le gouvernement libéral de ne pas faire assez de coupes, c'est plutôt inusité. Pauline Marois nous dira-t-elle où elle veut faire des coupes? En santé? En éducation? Dans les garderies? Dans les bureaux du Québec à l'étranger?