Les images de dévastation en provenance du Japon sont proprement terrifiantes. Et il n'est pas surprenant que, dès l'annonce de la catastrophe, on a pu entendre les plus sombres prédictions. L'économie japonaise, déjà fort mal en point, vient de subir un coup terrible.

Le Japon est, aux taux de change courants, la deuxième économie mondiale ; par ricochet, c'est toute la planète qui va donc écoper.

L'impact sur les compagnies d'assurances va être terrible ; déjà, hier matin, on parlait d'indemnités pouvant atteindre les 10 milliards, mais il est probable que la facture soit finalement plus élevée.

Le Japon devra temporairement fermer ses centrales nucléaires, de sorte qu'il devra importer encore plus de pétrole pour ses centrales thermiques ; cela va créer une hausse de la demande qui va propulser les prix pétroliers à des sommets jamais atteints. En Asie, en Europe, en Amérique du Nord, les indices boursiers étaient presque tous à la baisse hier matin.

Pourtant, malgré les apparences, l'impact du tsunami sur l'économie mondiale sera beaucoup moins important qu'on pourrait le croire à première vue.

Lors des grandes catastrophes, les analystes et commentateurs ont toujours tendance à noircir les choses, surtout dans le secteur économique. C'est un peu normal : ils réagissent à chaud, encore sous le choc des événements. Dans un communiqué publié tôt hier matin, Sherry Cooper, économiste en chef de la Banque de Montréal, rappelle qu'en ce genre de situation, il importe de garder «la tête froide». Elle a évidemment raison. Revoyons toutes les sombres prévisions sous un autre angle.

Vrai, le tsunami est un coup dur pour l'économie japonaise, comme le tremblement de terre de janvier 2010 a été épouvantable pour l'économie haïtienne. La différence entre les deux, c'est que la Japon est parfaitement équipé pour s'en remettre rapidement. Le pays dispose de toutes les compétences techniques, d'une expertise unique en gestion des séismes, et il a accès à tout le financement nécessaire ; en quelques mois, il peut rebâtir les édifices en ruines, refaire les infrastructures, rouvrir ses centrales nucléaires et ses usines automobiles fermées à cause de la catastrophe. On voit mal, dans ces conditions, comment le tsunami japonais pourrait perturber l'économie mondiale. Tout au plus pourrait-on parler de vaguelette.

Vrai, les compagnies d'assurances vont être appelées à verser d'énormes indemnités, mais les coûts vont probablement être répartis également entre les grandes compagnies de réassurance, comme c'est le cas dans la plupart des catastrophes importantes. La spécialiste londonienne des assurances Joy Ferneyhough résume sans doute assez bien la situation quand elle prédit qu'il y aura certainement un impact sur les résultats financiers de 2011 des assureurs, mais que cet impact sera «gérable».

Quant à la possibilité d'une nouvelle flambée des prix pétroliers, il ne s'agit là que de pures spéculations. Bien des événements, à commencer par ceux qui bouleversent le monde arabe, peuvent influencer les prix bien davantage que le tsunami japonais.

Vrai, les places boursières européennes et asiatiques ont reculé, l'indice le plus malmené étant le Nikkei 225 de Tokyo, avec une perte de 1,7 %. Le recul a été de 0,3 % à Londres, 0,9 % à Paris, 1,1 % en Allemagne. On a déjà vu bien pire.

Les marchés américains ont ouvert en faible baisse, mais pas pour longtemps. À New York, à Toronto, tout le terrain perdu a été regagné en deux heures et les indices ont continué de grimper. Et puis, qu'est-ce qui nous dit que c'est à cause du tsunami que Wall Street a ouvert en baisse ? Hier matin, on apprenait aussi que l'indice de confiance des consommateurs américains, tel que mesuré par l'Université du Michigan (une des sources les plus crédibles en la matière), accusait une forte baisse en février. C'est une nouvelle qui a bien plus d'impact sur l'économie américaine que le tsunami.

Donc, gardons la tête froide.

Et cela peut certainement être utile, rappelons-nous les prévisions apocalyptiques qui ont suivi les attentats terroristes du World Trade Center, il y a 10 ans. À en croire certains, le 11 septembre marquait la fin de tout : les États-Unis allaient connaître une grave récession, des milliers d'entreprises allaient faire faillite, le déficit budgétaire et la dette publique deviendraient insupportables, les titres boursiers ne vaudraient plus rien, des millions de ménages américains allaient perdre leur maison et se retrouver à la rue. Il faut relire les journaux de l'époque pour constater à quel point le 11 septembre, s'il faut en croire analystes et commentateurs de l'époque, n'était qu'un prélude aux pires calamités. Rien de tout cela n'est arrivé à la suite des attentats. En fait, ces calamités se sont réellement produites, mais, huit ans plus tard, et elles n'avaient rien à voir avec Al-Qaeda, mais avec les subprimes créés de toutes pièces aux États-Unis.