L'automne dernier, lorsque les Québécois apprennent que l'ex-ministre péquiste François Legault songe à démarrer un nouveau parti, la réponse est aussi forte qu'enthousiaste. Les sondages montrent que ce «parti», qui n'a pas encore recruté un seul membre, qui n'a pas publié le moindre début d'un soupçon de programme, arriverait en tête si des élections avaient été déclenchées à ce moment. Faut le faire!

Cet engouement en dit long sur le désabusement des Québécois à l'égard des politiciens, tous partis confondus. Aujourd'hui, on ne peut certainement plus parler de vague de fond. En quittant le bateau, Joseph Facal a porté un coup dur au mouvement. M. Legault n'a pas été capable de recruter beaucoup de gros noms. Selon ce qu'ont appris mes collègues du bureau de La Presse à Québec, deux grosses pointures, Monique Jérôme-Forget et Claude Castonguay, auraient refusé de s'associer au projet. Certes, l'homme d'affaires Charles Sirois a décidé de faire le saut; c'est, de loin, le personnage le plus connu du groupe de M. Legault. Combien de Québécois savent qui est Lionel Carmant, Jean Lamarre ou Stéphanie Raymond-Bougie? Surtout, cinq longs mois ont passé sans que le groupe ne publie le moindre manifeste. Tout le Québec attend.

Eh bien! enfin, c'est pour lundi prochain. Mais hier, plusieurs médias en ont publié les grandes lignes.

Le manifeste de huit pages sera axé autour de quatre grands thèmes: éducation, santé, économie, langue et culture. Jusque-là, rien de bien nouveau. N'importe quel libéral, péquiste, adéquiste ou solidaire pourrait dire la même chose. À l'aide des fuites parues, notamment dans le Journal de Montréal et La Presse, voyons un peu ce à quoi il faut s'attendre en éducation, santé et économie (je laisse aux spécialistes le soin de spéculer sur le thème «langue et culture»).

Éducation

Le document proposerait d'augmenter les tarifs d'Hydro-Québec pour hausser les salaires des enseignants de 20 à 30%. Il parlerait aussi de «rationaliser» les commissions scolaires. Ce ne sont pas des idées neuves. On en parle depuis des années. Au Québec, l'électricité est vendue à des tarifs qui comptent parmi les plus bas au monde, mais c'est un avantage qui a son revers. Subventionner la consommation, c'est encourager le gaspillage et c'est se tirer collectivement dans le pied en privant Hydro (et le gouvernement) de revenus importants. D'autre part, même s'il est vrai que beaucoup d'enseignants sont mal payés, il est loin d'être certain qu'il suffira d'augmentations salaires pour corriger les problèmes du réseau de l'éducation. Attendons voir ce que le manifeste dit sur l'apprentissage des nouvelles technologies, la monstrueuse bureaucratie du ministère, le décrochage, la vétusté des équipements.

Santé

Un mot-clé: décentralisation. Lorsqu'il était ministre de la Santé, M. Legault a bien tenté de décentraliser le réseau, sans grand succès. Dans le système actuel, les administrateurs d'hôpitaux n'ont pas grand-chose à dire dans la gestion de leurs établissements: les conventions collectives, les budgets, tout se décide à Québec, et est encadré par une énorme et coûteuse bureaucratie. Imaginons un instant ce qui se passerait si chaque établissement avait assez d'autonomie en matière de gestion et de relations de travail. Comme il y a de mauvais et de bons administrateurs, certains hôpitaux deviendraient rapidement meilleurs que d'autres, ce qui entraînera plus de concurrence et de meilleurs services. Il va de soi que les syndicats s'opposent farouchement à cette approche. Espérons de voir, lundi, jusqu'où M. Legault est prêt à aller.

Économie

Les fuites des médias se limitent au dossier des finances publiques. Ainsi, il sera question de réduire l'endettement de l'État. Personne ne peut être contre cela: les Québécois sont, de très loin, ceux qui traînent collectivement la dette publique la plus lourde au Canada. M. Legault estime que l'État peut comprimer sans douleur les dépenses de l'État de 3%. C'est bien. Mais l'économie, surtout dans le contexte de concurrence sans précédent que nous connaissons, c'est beaucoup plus que les finances publiques. Espérons que le manifeste soit plus étoffé, qu'il nous parle de gains de productivité, de recherche et d'innovation, de défis technologiques, de fiscalité compétitive, de prospection de nouveaux marchés.

Évidemment, il ne faut pas s'attendre à ce qu'un document de huit pages apporte des solutions instantanées à toutes ces questions. Mais cela fait des mois qu'on attend; au-delà du catalogue de bonnes intentions, peut-on espérer des orientations claires et concrètes? Réponse lundi.