Je vivais à Québec lorsque les Nordiques de Québec sont devenus l'Avalanche du Colorado.

À la même période, la Vieille Capitale a échoué dans sa tentative d'obtenir les Jeux olympiques d'hiver de 2002 lors d'un vote humiliant qui allait favoriser Salt Lake City.

C'était aussi l'époque où le gouvernement du Parti québécois était fâché contre la région de Québec, qui n'avait pas voté suffisamment Oui au référendum.

Pour ajouter à ce portrait glauque, on ne parlait à cette époque que du «trou Saint-Roch», un terrain abandonné et franchement déprimant de la basse ville qui donnait bien mauvais figure à la capitale.

Bref, c'était d'une tristesse, à Québec, au milieu des années 90... Je n'ai pas été trop fâché de partir pour Ottawa, en 1997.

Étant plus montréalais que québécois (de la ville, s'entend), j'ai toujours pris pour le Canadien (ce dont j'essaye péniblement de me guérir depuis des années), mais je partageais le blues des gens de Québec. À plus forte raison, dirais-je, puisque j'ai toujours pensé que «mon» club était meilleur lorsqu'il avait un vrai rival, une autre équipe à haïr vraiment. Essayez donc, de Montréal, de détester une équipe d'Atlanta ou de la Caroline.

En même temps, il fallait bien se rendre à l'évidence et accepter la logique économique qui avait provoqué le départ des Nordiques.

Première question: cette logique a-t-elle changé au point de rendre cette fois l'aventure LNH rentable et durable?

Et si oui, deuxième question, pourquoi faut-il alors que l'État - cassé comme un clou, rappelons-le - et la Ville de Québec injectent seuls les 400 millions de dollars pour la construction d'un nouvel amphithéâtre? Un amphithéâtre qui servira d'abord les intérêts d'une entreprise privée, éventuelle propriétaire d'une hypothétique équipe?

De toute évidence, le gouvernement fédéral n'a pas tout à fait tort de dire que le plan est pour le moment, disons, flou. Ottawa n'a pas tout à fait tort non plus de penser que, parfois, le Québec prend le gouvernement fédéral pour un guichet automatique.

Le hockey a beau être le sport national de ce pays, ce n'est tout de même pas un droit constitutionnel d'avoir un amphithéâtre qui peut accueillir une équipe de la LNH.

Devant le déficit et la dette du Québec qui gonfle à vue d'oeil, le Québec a-t-il les moyens d'«investir» 200 millions dans une telle aventure?

Peut-être pas, mais la réalité politique, c'est que Jean Charest a encore moins les moyens de dire non et de risquer de se mettre à dos une région qui lui a été plutôt favorable aux dernières élections.

La question est maintenant de savoir si Stephen Harper, lui, est prêt à mettre en jeu ses précieux sièges dans la région en refusant de participer au projet. Existe-t-il, parmi les électeurs conservateurs, suffisamment d'opposants au financement public pour permettre à Stephen Harper de garder ses sept circonscriptions? Voilà un pari qui donnera des cheveux blancs aux organisateurs conservateurs de la région.

Par ailleurs, M. Harper doit garder un oeil sur le reste du Canada, où les réactions négatives pourraient lui faire perdre des votes s'il décidait de se joindre au tandem Labeaume-Charest.

Chose certaine, le dossier risque de s'inviter en campagne électorale, avec, d'un côté, le gouvernement Charest et, de l'autre, les conservateurs de Stephen Harper, ce qui n'aidera pas à raccommoder cette relation déjà chancelante.

Labeaume contre-attaque

En politique comme au hockey, c'est bien connu, la meilleure défensive, c'est l'attaque.

Régis Labeaume, l'omnipotent maire de Québec, l'a bien compris et il a écarté préventivement et avec mépris toutes les questions concernant l'usage de fonds publics dans son projet.

«Les gens de Québec veulent un amphithéâtre, je leur en ai promis un et j'ai été élu par 80% de la population», a tranché M. Labeaume.

Je n'ai pas suivi la campagne municipale avec autant d'attention que mes collègues de Québec, mais je suis bien certain qu'il n'était pas question d'une dépense de près de 200 millions de dollars à l'époque.

Quoi qu'en pense M. le maire, et en tout respect pour les ambitions qu'il nourrit pour sa ville, les questions et même le doute sont permis. D'abord, jusqu'à preuve du contraire, il n'y pas d'équipe en vue pour le moment, et le commissaire de la LNH, Gary Bettman, a indiqué clairement aux gens de Québec qu'il n'avait rien à leur promettre.

On croirait voir une reprise du film Field of Dreams, dans lequel Kevin Costner bâtit un terrain de baseball en plein champ parce qu'un revenant lui dit «construis-le et ils viendront».

Ce qui frappe aussi, c'est qu'il n'a pratiquement pas été question, lors de la conférence de presse d'hier, des Jeux olympiques à Québec, pierre angulaire, pourtant, du projet d'un nouvel amphithéâtre il y a quelques mois. Il a fallu que M. Charest fasse un détour dans une réponse pour rappeler que ce nouvel équipement devait aussi servir à d'éventuels Jeux.

De deux choses l'une: ou MM. Charest et Labeaume savent des choses (par exemple, l'identité et les moyens d'un futur propriétaire ou quelle entreprise pourrait coller son nom à l'édifice et pour combien), ou alors ils lancent les dés, ce qui détonnerait sérieusement avec leur discours de rigueur budgétaire.

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