Il était une fois... C'est ce qu'on dira dans quelques années de la Bourse de Toronto, à l'instar de ce qui est arrivé à la Bourse de Montréal à la suite de sa fusion avec la Bourse torontoise.

Ne nous leurrons pas: la fusion de London Stock Exchange Group (LSEG) avec le Groupe TMX laisse présager à mes yeux le début de la fin de l'ultime contrôle canadien sur les sociétés boursières qui ont pignon sur rue au Canada. Bien sûr, les commissions des valeurs mobilières canadiennes mettront des balises... On s'en reparlera dans 10 ans!

On nous dit qu'il s'agit d'une «fusion entre égaux» par échange d'actions. Le problème? Les «égaux» n'ont pas le même poids: les bonzes du LSEG auront huit représentants au conseil d'administration de la nouvelle créature LSEG-TMX comparativement à sept pour notre gang de Toronto.

Quand arrivera le moment crucial de prendre des décisions sur l'avenir de la nouvelle Bourse internationale, Londres dictera la voie et imposera sa mainmise. That's it, that's all.

Les défenseurs de la fusion vont me dire: mais compte tenu de la vaste consolidation des Bourses partout sur la planète financière, avait-on le choix de refuser pareille fusion avec la Bourse de Londres?

Oui! Dans le milieu de la haute finance, on a toujours le choix d'accepter ou pas les propositions de fusion et d'acquisition.

Force est de constater qu'on assiste depuis le début des années 2000 à une lourde tendance fusionnelle entre les grandes places boursières. Alors que la Bourse de Montréal se faisait absorber par la Bourse de Toronto, la Bourse de New York mettait notamment le grappin sur des Bourses européennes et créait le NYSE Euronext. Et pas plus tard qu'hier, le groupe américain annonçait être en négociations avec la Bourse allemande.

À lui seul, le NYSE Euronext compte aujourd'hui pour 32% de la capitalisation boursière mondiale. La Bourse de Toronto? À peine 4%. Son nouveau partenaire, la Bourse de Londres, accapare pour sa part une tranche de 6,6% de la capitalisation mondiale. Ensemble donc, notre «London/Toronto Exchange» comptera pour 10,6% de la mappemonde boursière. Il s'agira du deuxième groupe boursier au monde.

Est-ce avantageux pour les investisseurs canadiens, les particuliers comme les investisseurs institutionnels, de faire partie d'un groupe boursier plus imposant à l'échelle internationale?

Avec la mondialisation des marchés boursiers et des produits financiers, on peut, depuis notre ordinateur ou celui de notre courtier, avoir accès à n'importe quoi ou presque. La fusion Londres-Toronto, ça nous donne quoi de plus, à nous investisseurs?

«Nous créons la plus grande Bourse mondiale pour les secteurs des marchandises, de l'énergie et des ressources naturelles ainsi que le principal marché pour les petites et moyennes entreprises et les sociétés en croissance», a expliqué Xavier Rolet, grand patron de la Bourse de Londres. On nous promet donc un intérêt accru des Européens pour nos titres et vice-versa... Bravo, mais on s'entend que cela n'aura qu'un impact marginal sur notre rendement boursier.

Pour les entreprises canadiennes à la recherche de financement, la fusion s'avère sans doute un atout avec sa «passerelle internationale, des sources de capitaux et de liquidité parmi les plus importantes du monde» et ses marchés.

Mais, entre nous, si notre fusion avec la Bourse de Londres a essentiellement pour objectif de nous donner un meilleur accès au marché européen et vice-versa, pourquoi diable n'a-t-on pas pressenti le NYSE Euronext pour l'inviter à nous mettre le grappin dessus?

Tant qu'à vouloir jouer dans la cour des grands, aussi bien le faire avec le principal acteur de la planète, le NYSE Euronext, qui domine dans les marchés américains et européens.

Comme les Américains ont toujours été attirés par la Bourse canadienne et ses titres, le NYSE Euronext me semble un partenaire bien plus naturel que le London Stock Exchange.

Entre devenir une succursale de Wall Street ou une succursale de la City, j'opte pour la Grosse Pomme. Ça se digère mieux.