On résume le portrait. Le projet de construction du nouveau Colisée de Québec coûterait 400 millions de dollars. Le maire Régis Labeaume a «ramassé» jusqu'à présent environ les deux tiers de cette somme, soit 180 millions du gouvernement Charest, 50 millions de sa ville et une valise mystère de «dizaines de millions» de la part de Quebecor. Décompte: il manquerait une centaine de millions pour boucler le budget.

Mon petit doigt me dit qu'au bout du compte, le gouvernement Harper va allonger la somme manquante. Afin de ne pas créer de précédent, il lui faut cependant trouver le programme gouvernemental où il pourra puiser l'importante somme, et ce, de façon discrétionnaire. Le gouvernement conservateur est pris en souricière. Sa subvention est si importante pour nombre de Québécois qu'il en va de la survie des conservateurs au Québec lors des prochaines élections fédérales...

N'oublions pas que son grand rival au Québec, le Bloc québécois, s'est prononcé ouvertement en faveur d'une subvention fédérale majeure dans le dossier du nouveau Colisée de la Vieille Capitale.

Politiquement, Stephen Harper réussirait même un coup de maître au Québec s'il donnait ladite subvention: non seulement il protégerait ses circonscriptions conservatrices, mais, en plus, cela lui permettrait de couper l'herbe sous le pied de son rival libéral, Michael Ignatieff. Ce dernier a dénigré la semaine dernière l'ambitieux projet du maire Labeaume et il a même qualifié de «vague promesse de millionnaire» et de «pas sérieuse» l'offre du président de Quebecor, Pierre Karl Péladeau.

Comme aucune information précise n'a filtré sur les tenants et aboutissants de l'offre financière de Quebecor, c'est le dénigrement du chef libéral qui manque de sérieux.

Depuis qu'il dirige les destinées de Quebecor et de sa filiale Quebecor Média, Pierre Karl Péladeau a chapeauté une multitude de projets qui ont vu le jour. On ne peut certes pas lui reprocher de jouer à l'amateur et de manquer de sérieux quand il s'associe à un projet.

Quand Quebecor embarque dans un projet avec sa convergence télévision-journaux-téléphonie, ça marche fort. Fait anecdotique: avec sa Série Montréal-Québec, TVA attire actuellement plus de téléspectateurs que RDS avec les matches du Canadien. Imaginez ce que TVA réussirait à faire si la société mère Quebecor devenait propriétaire d'une équipe de la LNH. Pas de doute non plus sur l'habileté de Quebecor à remplir avec des spectacles le nouvel amphithéâtre multifonctionnel de la Ville de Québec.

Chose certaine, si le nouveau Colisée Quebecor voit le jour, ce sera un projet à grandes retombées pour... Quebecor. Est-ce que sera également le cas pour les bailleurs de fonds publics? Pierre-Yves McSween en doute grandement.

Et les finances du sport professionnel, il connaît ça... Avant d'enseigner à HEC Montréal en sciences comptables, Pierre-Yves McSween a travaillé comme vérificateur pour deux grandes équipes de sport professionnel.

«Honnêtement, je commence à croire que le maire de Québec et le premier ministre du Québec sont en train de se faire avoir financièrement. Et cela, aux frais de la population québécoise... Pour l'instant, si je suis PKP, je me roule à terre», m'écrit-il.

Avant de dire qu'un deal est un deal, il faut, selon M. McSween, garder la tête froide et obtenir des réponses précises à des questions d'importance capitale.

Pour construire l'amphithéâtre de 400 millions de dollars, supposons que les trois ordres de gouvernement avancent collectivement 350 millions, par l'entremise d'un emprunt.

À 5% de taux d'intérêt, le coût d'un tel emprunt revient à 17,5 millions par année.

D'entrée de jeu, il faudrait que le futur exploiteur du Colisée paie une redevance annuelle qui couvre au minimum lesdits frais d'intérêt. À cette somme, il faudrait ajouter une prime de risque pour compenser le risque que les gouvernements prennent en finançant un tel amphithéâtre. Cette prime de quelques millions procurerait un certain rendement sur l'investissement public.

M. McSween augmenterait même la redevance d'un coût de... renonciation. Par exemple, explique-t-il, le financement public du nouveau Colisée aurait pu être attribué à la baisse de la dette (ou à la non-augmentation de la dette), à l'éducation, à l'investissement dans des dizaines de PME, etc.

«Au delà du plaisir de revoir les Nordiques, est-ce que le jeu en vaut la chandelle si on regarde le coût versus le bénéfice?» se demande-t-il.

«Est-ce que ce projet apporte du nouveau cash pour la province? Là, c'est la vraie question. Y aura-t-il une grande portion des salaires des joueurs qui seront imposés à Québec?» Comme une grande partie des joueurs d'une équipe de hockey auront leur résidence principale ailleurs, une portion importante de leurs impôts s'envolera à l'extérieur de la province ou du pays.

À combien évalue-t-on les vraies retombées économiques du nouveau Colisée, soit celles provenant des touristes étrangers (hors Québec et surtout hors pays)? Très faibles, même avec des Nordiques, estime le professeur, car peu d'Américains assisteraient aux matches.

Sa préoccupation économique. «Les dollars dépensés par les Québécois au Colisée ne seront-ils pas enlevés à d'autres commerces? Les Remparts de Québec seraient sûrement les plus grands perdants de ce fait. Si un Québécois met 50$ dans un billet au Colisée, dans quelle dépense coupera-t-il ailleurs? Est-ce que collectivement nous gagnons ou n'est-ce qu'un transfert de profit?»

Autre bémol de M. McSween: Quebecor n'étant pas propriétaire du nouveau Colisée, comme on le présume, personne ne paiera de taxes municipales, la seule et unique source logique de revenus potentiels pour le maire Labeaume et sa ville. Est-ce que le coût d'utilisation du Colisée prévoit à ce chapitre une compensation financière pour ce manque à gagner de taxes municipales?

Ne rêvons pas en couleur.Si l'offre mystère de Quebecor couvre au moins le coût d'utilisation du nouveau Colisée, ce sera déjà en soi une victoire morale pour le bon peuple. Je n'en attends vraiment pas plus!