Tout indique qu'en 2010, le commerce extérieur du Canada ne subira pas une répétition de la catastrophe vécue en 2009. En revanche, rien ne permet d'espérer un retour rapide aux plantureux surplus des années précédentes.

Statistique Canada publie les données du commerce extérieur avec un décalage de six semaines. Ainsi, les chiffres complets pour l'année 2010 seront connus à la mi-février. En attendant, nous avons déjà ceux des 10 premiers mois de l'année, ce qui permet d'avancer des projections vraisemblables.

D'abord, un petit rappel sur le désastre de 2009. Cette année-là, les exportations se sont littéralement effondrées, passant de 490 à 370 milliards, une dégringolade de 24%. Pendant ce temps, les importations diminuaient de 16% seulement. Pour une des rarissimes fois de son histoire, le Canada s'est retrouvé avec un déficit commercial. Déficit relativement modeste de 4,6 milliards, certes, mais déficit quand même, ce qui constitue un véritable drame. Traditionnellement, les énormes surplus commerciaux du Canada (48 milliards par année en moyenne entre 2006 et 2008) constituaient un de ses grands atouts.

Au cours des 10 premiers mois de 2010, les exportations se sont élevées à 333 milliards, en hausse de 9% sur la période correspondante l'année précédente. Comme les importations ont diminué, il en résulte un surplus de 25 milliards en 10 mois. Si la tendance se maintient, pour reprendre l'expression consacrée, Statistique Canada annoncera dans quelques semaines que 2010 marque un retour aux surplus.

L'effondrement de 2009 s'explique essentiellement par l'effondrement du marché américain. De la même façon, si 2010 marque une sensible amélioration, c'est surtout parce que les États-Unis, de loin le principal client du Canada, se sont remis à acheter plus de produits importés du Canada.

Tous ces chiffres nous rappellent à quel point le commerce extérieur du Canada (et les millions d'emplois qui en dépendent) est vulnérable par rapport aux États-Unis.

D'où la nécessité de diversifier les marchés d'exportation. C'est un défi colossal, peut-être le plus grand défi économique du Canada au cours des prochaines années. La proximité, la taille, l'accessibilité et la perméabilité du marché américain en font un partenaire facile (bien que pas toujours commode, comme on l'a vu dans le dossier du bois d'oeuvre).

Certes, le Canada a multiplié les missions commerciales à l'étranger, et a même signé une bonne demi-douzaine de traités de libre-échange avec d'autres pays: Israël, Chili, Costa Rica, Pérou, Colombie, Jordanie, entre autres. Et des négociations sont en cours avec Panama, la République Dominicaine, la Corée du Sud, Singapour, l'Union européenne et, depuis deux mois, avec l'Inde. Et on parle déjà d'ouvrir des négociations avec le Japon.

Tous ces pays ne représentent qu'une petite portion du commerce extérieur. Ainsi, l'Union européenne ne représente que 10% du volume commercial du Canada (contre 63% pour les États-Unis).

De toute façon, cette stratégie de multiplier les accords bilatéraux à droite et à gauche n'est peut-être pas la plus efficace.

Dans une étude remarquable publiée récemment par l'Institut de recherche en politiques publiques, les économistes Patrick Georges et Marcel Mérette se penchent longuement sur la question. Diversifier, c'est bien beau, mais encore faut-il savoir comment le faire de la façon la plus efficace.

En premier lieu, depuis la signature de l'accord de libre-échange avec les États-Unis, cela ne sert pas à grand-chose de consacrer des efforts à approfondir l'intégration canado-américaine (sauf pour accélérer le passage à la frontière et aplanir les différends).

On parle beaucoup des avantages d'un éventuel libre-échange avec l'Union européenne. C'est en effet un très vaste marché, dont la taille est comparable à celle des États-Unis, mais à y regarder de plus près, ce n'est pas le marché d'exportation qui représente le meilleur potentiel: sa population vieillit, et la croissance économique y demeurera faible ou modérée. La même remarque s'applique au Japon.

Ce que le Canada doit rechercher, ce sont de vastes marchés où la population est jeune et où la croissance économique est forte et le restera pendant plusieurs années. On pense tout de suite à la Chine, au Brésil et à l'Inde.

Or, la population chinoise (essentiellement à cause de la politique antinataliste du gouvernement) est appelée à vieillir; d'ici quelques décennies, sa pyramide démographique ressemblera à celle du Japon. Les auteurs ne s'attardent pas sur le cas du Brésil, où les perspectives de développement commercial avec le Canada demeurent limitées à cause de la similitude des exportations des deux pays. Leur préférence va nettement à l'Inde, qui n'est pas menacée par le vieillissement et qui a un niveau d'éducation élevé. Pour l'instant, l'Inde est un partenaire commercial insignifiant: elle n'achète que 0,4% de ses exportations et ne lui fournit que 0,6% de ses importations.... comme la Chine il y a 25 ans.