Depuis Duplessis, on aime dire au Québec que la Cour suprême du Canada «penche toujours du même bord». Il s'agit d'une caricature nationaliste de l'histoire. En réalité, selon les époques, la Cour a parfois favorisé la centralisation du pays, parfois défendu son caractère décentralisé.

Depuis Duplessis, on aime dire au Québec que la Cour suprême du Canada «penche toujours du même bord». Il s'agit d'une caricature nationaliste de l'histoire. En réalité, selon les époques, la Cour a parfois favorisé la centralisation du pays, parfois défendu son caractère décentralisé.

Souvent, aussi, la Cour suprême a confondu les plus sceptiques. Ce fut le cas dans son arrêt de 1998 sur la sécession du Québec. Le tribunal a à nouveau étonné les observateurs hier en statuant qu'une bonne partie de la loi fédérale sur la procréation assistée excède la compétence législative d'Ottawa. La plus haute cour du pays donne ainsi raison au Québec et à trois autres provinces selon lesquels par cette loi, le fédéral s'immisçait dans l'administration du système de santé, un domaine de compétence provinciale.

Les neuf juges ont peiné à arriver à cette décision. Quatre d'entre eux, dont la juge en chef, Beverley McLachlin, ont donné raison au gouvernement du Canada. Selon eux, «le recours abusif aux techniques de procréation assistée crée un risque sanitaire pour la population et peut légitimement être considéré comme un mal pour la santé publique auquel peut s'attaquer le droit criminel», droit criminel qui relève d'Ottawa.

Quatre autres magistrats ont endossé la thèse des provinces. Les articles de la loi qui interdisent des pratiques tels le clonage, la détermination du sexe et l'hybridation sont de nature criminelle et sont donc constitutionnels. Par contre, les dispositions visant à réglementer des techniques légales reliées à la procréation assistée appartiennent au domaine de la santé, domaine dont la Constitution confie la responsabilité au niveau provincial.

Quatre contre quatre. Il est revenu au dernier arrivé à la Cour, le juge Thomas Cromwell, de résoudre l'impasse. Il l'a fait, pour l'essentiel, en faveur des gouvernements provinciaux, estimant que plusieurs dispositions de la loi adoptée en 2004 «permettent la réglementation par le menu de chacune des facettes de la recherche et de l'activité clinique», champs d'activité de juridiction provinciale.

Les juges de la majorité affirment avec force les principes du fédéralisme, qu'on a tendance à négliger au Canada anglais (comme au Québec, quand fédéralisme veut dire autre chose que décentralisation maximale). Ainsi, si certains souhaitaient la mise en place de normes pancanadiennes en matière de procréation assistée, la majorité rappelle que «l'efficacité administrative à elle seule ne peut justifier l'intervention législative de l'ordre fédéral». Et encore: «Le souci du maintien de l'équilibre fédératif doit être présent à chacune des étapes de l'analyse constitutionnelle.»

Nous souhaitons qu'au cours des prochaines années, cette mince majorité en faveur d'un fédéralisme authentique au sein de la Cour suprême non seulement se maintienne, mais se renforce. Le pays s'en portera mieux.