Pendant les cinq premiers rounds, on aurait dit un jeune tigre à la poursuite d'un vieux monsieur. Bernard Hopkins, 45 ans, a été malmené, il est allé au plancher quelques fois et Jean Pascal s'en donnait à coeur joie, au grand plaisir des quelque 16 000 spectateurs.

Puis au sixième, Hopkins a placé un bon crochet de gauche, les yeux de son jeune rival se sont embués et le combat a pris une tout autre allure. Le vent venait de tourner et le vieux monsieur a pris les commandes de la situation.

Déjà essoufflé, Pascal venait de tomber dans le piège de cet étonnant Bernard Hopkins. Le reste du combat a été un calvaire pour le jeune champion. Il était curieux de voir un Hopkins tout frais poursuivre son rival et le malmener à son tour.

Au 12e round, les deux hommes se sont vidés et Pascal a failli y laisser sa peau. Les amateurs de boxe de Québec venaient d'être gâtés par un grand spectacle. Aucun n'a regretté d'être venu.

Et puis les résultats sont arrivés pendant qu'Hopkins dansait de joie et que Pascal, dont le langage corporel laissait voir un homme confus, avait du mal à se tenir sur ses pieds.

Le juge américain a donné un court avantage à Hopkins. Le juge canadien a décrété un match nul, de même que le juge belge. Deux scores nuls, on ne voit pas ça souvent. Jean Pascal gardait donc ses ceintures WBC et IBO des mi-lourds à cause d'un vote majoritaire.

Est-ce que Hopkins s'est fait voler, comme son entourage et lui l'ont prétendu? Est-ce qu'Éric Lucas s'est fait voler en Allemagne? Est-ce que Librado Andrade s'est fait voler à Montréal dans son premier combat contre Lucian Bute? Quel aurait été le résultat si le combat avait eu lieu à Philadelphie, la ville de Hopkins?

Ainsi va le merveilleux monde de la boxe...

Sapré GYM!

Les membres de la confrérie le savent: quand GYM organise un gala de boxe, l'organisation est rock and roll et il faut s'attendre à toutes sortes d'embuches.

Des horaires qui changent à la dernière seconde; une pesée officielle qui commence plus tôt qu'annoncé; des personnalités invitées qui ne se présentent pas; une section médias trop petite et complètement anarchique le soir du combat; une connexion internet pas fiable et pas toujours disponible; des lumières qui s'éteignent et des ouvriers qui débranchent des fils pendant que nous travaillons à l'heure de tombée...

Nous tolérons ça parce que GYM est une petite entreprise québécoise qui est bonne pour la boxe locale et les boxeurs québécois.

Mais samedi soir, au Colisée de Québec, ce laxisme organisationnel a failli produire une catastrophe. Les conférences de presse d'après-match étaient tenues dans un couloir du Colisée plutôt que dans une salle fermée. Encore cette louable tendance à faire participer le public à l'événement. Sauf qu'une foule qui vient de voir un gala de boxe est toujours survoltée et alcoolisée.

Après la performance de Jean Pascal, le boxeur, son entourage et le président de GYM, Yvon Michel, ont quitté les lieux pour faire place au clan de Bernard Hopkins, qui n'était pas de bonne humeur, vous devinez.

À ce moment-là, les journalistes étaient en minorité au milieu d'une meute de partisans de Pascal. Quand Hopkins, très poli et conciliant, a ouvert la bouche, un monsieur s'est mis à l'engueuler... c'était le demi-frère de Jean Pascal. Une femme hystérique s'est mise à crier des insanités, d'autres l'ont encouragée, un monsieur chic, un proche de Pascal, s'en est pris à Hopkins à son tour...

Ce dernier a alors menacé de régler l'affaire aux poings. «I still have some fight in me, you know...»

Son entourage fulminait de plus en plus, la tension montait, les insultes fusaient. Un dirigeant de Golden Boy, l'écurie de Hopkins, a demandé aux agents de sécurité du Colisée d'intervenir, ce qu'ils n'ont pas fait. Il n'y avait pas un responsable de GYM en vue. Sans doute étaient-ils dans des limousines en direction du Dagobert.

L'engueulade s'est éternisée, les journalistes attendaient une accalmie pour poser leurs questions, mais il n'y a pas eu de violence, Dieu merci.

Tout ça n'est pas bon pour l'image de la boxe ni du Québec. Les visiteurs américains n'étaient pas contents du tout et vont raconter partout ce qu'ils ont vu. Surtout que la décision des juges était discutable...

Et je ne parle pas des collègues des médias qui ne demandent qu'à faire leur boulot dans des conditions de travail professionnelles.

Bienvenue à Québec!

Les gradins étaient remplis vers 18h pour les premiers combats préliminaires. À Montréal, les fans arrivent paresseusement vers 20h pour les derniers combats.

Et les fans de Québec ont chanté haut et fort l'Ô Canada, en français et en anglais, le croiriez-vous? Ils faisaient la vague, comme au temps des Nordiques. Ils s'excitaient devant des K.-O. aux premiers rounds et il y en a eu plusieurs.

Ces gens-là sont en manque de grands spectacles sportifs.

Dans les coulisses, boxeurs et entraîneurs vous diront que Québec est une bien meilleure ville de boxe que Montréal. Pendant toute la semaine qui a précédé le gala, ils étaient abordés par des fans admiratifs et ils adoraient ça.

Brian Magee

Il s'agit d'un boxeur irlandais plutôt inconnu et InterBox annoncera aujourd'hui qu'il sera le prochain adversaire de Lucian Bute. Une autre victoire facile en vue et les critiques s'activent déjà.

Quand verra-t-on notre boxeur chouchou contre un vrai de vrai? Jean Pascal a affronté Chad Dawson et Bernard Hopkins, deux grands noms. Pourquoi pas Bute?

Voici le plan: Lucian Bute a signé un contrat qui le lie à la chaîne Showtime pour ses trois prochains combats. Deux duels contre des adversaires à déterminer et le troisième contre le gagnant du tournoi Super Six des super-moyens.

Pensez à Andre Ward ou Carl Froch, par exemple. C'est seulement à ce moment-là que nous saurons ce que notre homme a dans le ventre, si sa mâchoire est solide, bref, si Lucian Bute est un champion de catégorie A.

Photo: Steve Deschênes, Le Soleil

Jean Pascal, l'air songeur, en conférence de presse hier.