Les journalistes passent souvent pour des pisse-vinaigre.

Encore la semaine dernière, je ne vous raconte pas ce courriel que j'ai reçu d'une fille qui m'accusait de déverser tout mon fiel sur Bombardier. Tout cela parce que j'en ai marre d'entendre les dirigeants de l'entreprise inventer des prétextes pour maquiller le fait que les avions de la CSeries se vendent mal. Tout cela parce que le carnet de commandes des jets régionaux est mince à en faire peur, ce qui augure des jours difficiles pour les usines de la région de Montréal et pour leurs milliers de travailleurs. À croire qu'il faudrait se rentrer la tête dans le sable pour ne pas heurter des sensibilités.

Mais il ne restait rien de cette noire missive hier matin, enfouie qu'elle était sous une montagne de neige cristalline. Même après avoir pelleté mon entrée pour une énième fois depuis une semaine, j'étais d'humeur rieuse. Trois investissements majeurs en trois jours, il y a de quoi célébrer. Sur mon blogue hier, j'ai même écrit que le traîneau du père Noël était passé avec quelques jours d'avance...

Et puis la nouvelle de la fermeture de l'usine Electrolux est tombée en après-midi, aspirant avec elle 1300 emplois à L'Assomption. Même si le transfert de la production des appareils électroménagers ne commencera pas avant 2012, disons que cela casse l'esprit des Fêtes.

Apprendre qu'on va perdre son emploi avant Noël, comme à toute autre journée de l'année, d'ailleurs, c'est perdre pied. Au moins, ces employés ont 18 mois pour se trouver un nouvel emploi. C'est mieux qu'un coup de pied au derrière, comme on le dit familièrement.

Personne ne se fait d'illusion, toutefois. Même en se recyclant, ces salariés ne deviendront pas des ingénieurs en aéronautique chez Pratt & Whitney Canada. Aussi, les perspectives de se dénicher un emploi aussi payant dans une activité de fabrication ou d'assemblage ne sont pas innombrables. Surtout pour les travailleurs plus âgés qui sont parfois victimes de discrimination.

En même temps, faire une fixation sur la difficile mutation de l'économie québécoise, c'est oublier qu'il se crée aussi des emplois intéressants aux quatre coins de la province, dans des secteurs d'avenir.

Prenez Rio Tinto Alcan. Les informations en provenance d'Australie, où se trouvent les bureaux de direction de Rio Tinto Limitée, ont suscité cette semaine un mélange d'espoir et de craintes. Craintes qui attendaient d'être dissipées hier matin.

D'un côté, on savait que Rio Tinto Alcan était sur le point d'annoncer des investissements majeurs. Ses premiers, en fait, depuis que Rio Tinto a acheté le producteur d'aluminium Alcan au prix de 38 milliards US, une transaction comptant conclue au sommet du marché qui a appesanti le bilan de l'entreprise au point de l'handicaper.

De l'autre, le chef de la direction financière de Rio Tinto, Guy Elliott, avait déclaré à un quotidien australien que la filiale Rio Tinto Alcan planterait une pancarte à vendre devant ses usines les plus petites et les plus vétustes. Usines dont les coûts de production sont parmi les plus élevés de l'industrie.

Or, il n'y avait que de bonnes nouvelles hier. Officiellement. En consacrant près de 760 millions US au parachèvement de la première phase d'une usine dotée d'une technologie AP60 décrite comme révolutionnaire, l'entreprise rassure le Québec. La grande usine pilote de Jonquière ne sera pas une oeuvre inachevée, maintenant que la salle des vieilles cuves Söderberg a été démolie.

Cela aurait ulcéré les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Surtout que le projet a reçu 400 millions en fonds publics, en plus d'un prêt additionnel de 175 millions de dollars qui a été consenti au printemps de 2009 pour relancer les travaux, ralentis par la crise économique.

Il n'empêche que la nouvelle usine de Jonquière, qui pourrait produire jusqu'à 460 000 tonnes d'aluminium, si elle atteint son plein potentiel, va entraîner en 2015 la fermeture de l'usine d'électrolyse d'Arvida...

Ce n'était pas dans le communiqué émis hier. Mais le Québec n'a pas le moyen de s'attacher à ses vieilles usines, plus polluantes et plus coûteuses. Il doit embraser l'avenir.

Dans le même esprit, le Québec ne doit pas faire une fixation sur les ennuis actuels de Bombardier en aviation commerciale, même si l'entreprise est l'un des grands maîtres d'oeuvre de la province. L'industrie québécoise de l'aérospatiale a une telle profondeur qu'elle peut s'appuyer sur les forces de Pratt & Whitney Canada. L'entreprise investira un milliard de dollars dans le développement d'une nouvelle génération de moteurs d'avions plus verts. À Longueuil, le motoriste cherche à recruter 200 ingénieurs.

Et qui aurait pu prévoir que MacDonald Dettwiler & Associates relancerait l'ancienne Spar Aérospatiale, qui dépérissait au tournant de 2000. L'entreprise de Colombie-Britannique investit 42 millions de dollars pour agrandir cette usine de Sainte-Anne-de-Bellevue. Cette expansion créera 200 emplois de haut niveau, ce qui portera à 600 salariés l'effectif de cette spécialiste des satellites.

Tout n'est pas noir. Tout n'est pas rose. Un peu comme la vie, quoi.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca