Tous les honnêtes contribuables ne peuvent que se réjouir de voir Revenu Canada mettre la main au collet des deux entreprises de construction de Tony Accurso qui ont commis une fraude fiscale de 4 millions de dollars d'impôts en déduisant des dépenses non admissibles, dont des fausses factures.

Et il va sans dire qu'ils se réjouissent de voir Revenu Canada réclamer à ces entreprises fraudeuses non seulement les 4 millions d'impôt fédéral éludés entre 2003 et 2008, mais également une amende de 4 millions en plus.

Bien entendu, Revenu Québec emboîtera le pas et réclamera, lui aussi, une somme similaire (8 millions) en guise de réclamation pour fraude fiscale.

Comme ultime punition, ces deux entreprises d'Accurso (Simard-Beaudry et Construction Louisbourg, lesquelles sont regroupées en une seule unité depuis 2008) risquent en outre de perdre leur licence de la Régie du bâtiment. Ce qui aurait pour conséquences de leur faire perdre de lucratifs contrats.

La mise au jour de cette fraude fiscale étant faite, convenons que ça s'annonce très mal pour le groupe Simard-Beaudry/Louisbourg. Mais le plus grand perdant de ce scandale fiscal ne sera vraisemblablement pas Tony Accurso.

Quand vous avez de l'argent de collé, les épreuves sont plus faciles à surmonter...

Du côté des vrais perdants, je pense plutôt aux 2500 employés de Simard-Beaudry/Louisbourg, dont un très grand nombre risque de se trouver au chômage, faute de contrats advenant la perte de la licence de la Régie du bâtiment.

Chez les vrais perdants, on risque aussi de retrouver les actionnaires du Fonds de solidarité de la FTQ. Mon collègue Francis Vailles rapportait cette semaine que le Fonds FTQ avait prêté à Simard-Beaudry Construction la somme de 35 millions de dollars.

De plus, le Fonds de la FTQ cautionne un emprunt de 21,5 millions contracté par le groupe d'Accurso, pour les Galeries Laval.

On résume l'engagement financier: le Fonds de solidarité est donc au bâton pour 56 millions de dollars dans les entreprises de Tony Accurso.

Si ça tournait mal au point de faire perdre des sommes importantes au Fonds FTQ, il n'y a pas que les actionnaires du populaire fonds syndical qui se trouveront eux aussi dans le camp des perdants. Il y a nos deux gouvernements, Québec et Ottawa.

Eh oui! Quand on investit dans le Fonds de la FTQ, cela nous procure des crédits d'impôt de 30%, plus une déduction REER qui permet d'économiser de 30 à 48% d'impôts.

Pour chaque dollar investi dans le Fonds de solidarité, les gouvernements se trouvent donc à injecter (indirectement par l'entremise des économies d'impôts accordées aux investisseurs) autour de 60 à 78 cents. Vous avez bien lu: le capital du Fonds de la FTQ provient largement des gouvernements. Sans ces avantages fiscaux, les investisseurs perdraient une grande part de leur intérêt pour les fonds de travailleurs de la FTQ et de la CSN.

Or, si la fraude fiscale débusquée par Revenu Canada devait empêcher le Fonds de la FTQ de remettre le grappin sur ses engagements financiers de 56 millions de dollars envers le groupe Accurso, ce sont finalement Ottawa et Québec qui en seront les plus grands perdants.

Ainsi, pendant que Revenu Canada et Revenu Québec tenteront de soutirer 16 millions de dollars au groupe Accurso, les gouvernements Harper et Charest risquent d'en perdre le double (soit 32 des 56 millions avancés) si le Fonds de la FTQ ne se fait pas rembourser ses engagements financiers.

Quel guet-apens!