Du Midwest américain jusqu'à Guangdong, en passant par Stuttgart, l'industrie mondiale se remet en marche. Mais des disparités régionales persistent et la Chine s'apprête à chambarder la chaîne de production planétaire.

L'industrie a décidé de prendre en main la reprise.

Selon des données dévoilées la semaine dernière, la production manufacturière a enregistré en novembre des hausses aux États-Unis, en Europe et en Asie - signe que l'économie mondiale reprend du tonus.

Au Royaume-Uni, des indicateurs industriels (indices Markit et CIPS) ont surpris les experts avec des gains solides, et ce, malgré la crise budgétaire qui secoue les îles de Sa Majesté.

L'Allemagne a confirmé son statut de champion industriel du Vieux Continent en menant l'Europe vers sa plus forte croissance en quatre mois (données PMI).

Les Américains sont aussi de la fête, l'industrie ayant signé un 16e mois consécutif de croissance (indice ISM). Des géants du Midwest comme Dow Chemical, de Midland au Michigan, et Caterpillar, de Peoria en Illinois, ont augmenté la cadence pour répondre à la demande asiatique et sont en mode embauche.

Si bien que, malgré les chiffres décevants dévoilés vendredi, cela devrait permettre de doubler la création d'emplois (à 200 000 par mois en moyenne) aux États-Unis en 2011, selon un nouveau rapport de RDQ Economics, de New York.

Et, encore une fois, la Chine continue d'éblouir le monde. Au lieu de ralentir, comme prévu, la production industrielle chinoise a connu sa plus forte hausse en quatre mois.

«La reprise mondiale est en place», affirme l'économiste en chef de la banque Wells Fargo, John Silva. Si bien que le FMI (Fonds monétaire international) n'estime désormais qu'à 2% les risques d'une contraction de l'économie mondiale en 2011.

Des régions en arrachent

On pourrait alors croire que tout baigne pour l'industrie. Cependant, de grandes disparités régionales persistent.

Les données de novembre mettent en évidence une nette accélération du secteur manufacturier en France et en Allemagne. Mais le reste de la zone euro fait du surplace.

L'industrie enregistre sa plus faible croissance depuis neuf mois en Italie et stagne en Espagne. Et, fait inquiétant, elle continue à se contracter en Grèce.

L'Asie industrielle offre également un portrait aux couleurs variées lorsqu'on regarde les chiffres de près.

Ainsi, les restrictions imposées au cours des derniers mois par la Chine, afin de contenir la flambée des prix, touchent les exportations des partenaires régionaux.

Au final, l'économie à Taiwan a enregistré une croissance nulle, au troisième trimestre, et on note des reculs en Malaisie, aux Philippines et en Thaïlande. Autant de signes, donc, que la conjoncture internationale demeure fragile, surtout pour les économies dites «périphériques».

China Inc. s'en vient

Il reste que, globalement, les nouvelles sont bonnes pour le milieu industriel, qui reprend confiance.

Cependant, la fête risque d'être de courte durée pour plusieurs joueurs, qui devront s'adapter à une nouvelle réalité: les concurrents chinois en ont assez de jouer les fabricants «de guenilles» et de «bébelles» bon marché. De grands changements sont à prévoir.

Au cours des cinq prochaines années, la Chine prévoit investir des sommes colossales - jusqu'à 1500 milliards US, l'équivalent de toute l'activité économique au Canada en un an - dans des secteurs de pointe afin de s'éloigner de ses marchés traditionnels.

Selon des sources gouvernementales citées par l'agence Reuters, la semaine dernière, Pékin annoncera d'ici la fin du mois un grand plan de développement qui visera sept marchés à valeur ajoutée, dont les énergies alternatives, les biotechnologies, les technologies de l'information et les automobiles plus vertes.

Bref, China Inc. veut s'attaquer aux derniers bastions manufacturiers de l'Occident.

Actuellement, les secteurs de pointe ne représentent que 2% du PIB chinois. Or, le gouvernement veut porter cette contribution à 8% en 2015 et à 15% en 2020. Évidemment, cela provoquera des secousses sur les chaînes de production de la planète.

« (Ce plan) va transformer l'économie chinoise. Et c'est le prochain stade de la globalisation», affirme l'économiste Zhao Changhi, de la Banque Import-Export de Chine.

Dans une récente étude européenne, on dit que la Chine est déjà en voie de reprendre le premier rang mondial du secteur manufacturier, place que l'empire du Milieu occupait au début du XIXe siècle.

Or, la taille ne suffit plus. Le Dragon chinois veut aussi devenir le joueur le plus polyvalent sur la patinoire industrielle.