Les rumeurs courent à une vitesse folle. Rogers, qui possède déjà les Blue Jays de Toronto, achèterait les Maple Leafs, les Raptors, de la NBA, les réseaux de télévision des deux équipes, le Toronto FC, de la MLS, et les Marlies, de la Ligue américaine de hockey. Coût estimé: 1,3 milliard.

Le Centre Bell et le Canadien ont été vendus 575 millions. Mais les Maple Leafs sont sans doute la concession la plus rentable de la Ligue nationale de hockey, les Raptors tiennent leur bout dans la NBA et les deux équipes sont des propriétés sportives colossales pour Sportsnet, le réseau des sports de Rogers et pour toutes les plateformes de Rogers, du iPhone au iPad en passant par le plus humble des portables. Sans parler des magazines de Rogers, comme Maclean's, L'actualité et Châtelaine.

Dans un monde idéal, on aurait donc Rogers et les Maple Leafs, Bell et le Canadien et Vidéotron et les Nordiques.

Et dans ce monde, la CBC continuerait de présenter les matchs des Maple Leafs à Hockey Night in Canada le samedi soir à 1,5 million de Canadiens jusqu'en 2015. Les petits samedis...

Après, comme dirait Jean-Pierre Ferland, ça va dépendre des autres.

En apparence, on pourrait croire que les grandes entreprises de téléphonie vont se camper avec leurs trésors et se contenter de leur propre réseau. Autrement dit, les Leafs à Sportsnet, le Canadien à RDS et les Nordiques (si ça fonctionne!) à TVA. Mais une fois les bagarres enclenchées, les hommes d'affaires vont toujours finir par s'asseoir et négocier.

L'intérêt de Bell sera de montrer «ses» Canadiens au reste du Canada anglais pour mieux vendre ses produits. Et l'intérêt de Rogers, qui fait des affaires importantes au Québec avec son réseau et Fido qui lui appartient, sera de mieux faire connaître ses Maple Leafs si on veut qu'ils intéressent l'amateur local.

Et il va sans dire que l'intérêt supérieur de Vidéotron et de Pierre Karl Péladeau, le jour où, on l'espère pour les fans, les Nordiques reviendront à Québec, sera de faire rayonner son équipe et son produit dans le reste du pays. Tôt ou tard, après les guerres et pendant les batailles, les grands patrons des compagnies vont se parler et vont finir par négocier des ententes qui vont leur permettre de toucher le plus vaste public possible. Parce que, qui dit public, dit consommateurs.

Dans ce monde idéal, on verra le Canadien à Sportsnet, les Leafs à TVA Sports et les Nordiques à RDS et TSN.

De toute façon, avec la percée de l'internet comme mode de transport des produits de télévision, qui donc pourra enfermer un produit de hockey dans son seul réseau?

Les fefans ne cessent de supputer sur l'ailier gauche du quatrième trio ou sur Scott Gomez et des effets néfastes de son jeu médiocre, mais dans la vraie vie, les pions sont déplacés par les hommes d'affaires.

À une époque pas si lointaine, les hommes d'affaires s'appelaient Ronald Corey, président d'O'Keefe, et Morgan McGammon, président de Molson. Pierre Desjardins, président de Labatt, jouait dur en arrachant des propriétés comme les Expos ou les Alouettes.

Ils contrôlaient les émissions sportives à la télé et souvent on a vu deux équipes se présenter pour le même match. Les vestons rouges pour O'Keefe et les vestons bleu poudre pour Molson.

Aujourd'hui, Labatt appartient à des Brésiliens et Molson aux Américains. Et les brasseries ne sont plus de grands acteurs. Elles servent d'appoint.

Aujourd'hui, quand on regarde un combat de boxe en direct du Centre Bell, c'est la pub jaune de Vidéotron qui est sur le ring. Ce n'est qu'un exemple.

Les entreprises de téléphonie et de câblodistribution ont remplacé les grandes brasseries. La différence, c'est qu'elles ne prennent pas de risque. Elles veulent contrôler le produit et tous ceux qui seront impliqués dans sa diffusion. C'est Big Brother inversé.