Le Cercle canadien de Montréal n'a même pas émis de communiqué pour annoncer la visite de Galen G. Weston, président exécutif du conseil des Compagnies Loblaw. Les billets pour sa conférence d'hier, courue pas les fournisseurs du plus grand détaillant en alimentation du pays, s'étaient déjà envolés.

Mais cette discrétion sied tout à fait à Galen G. Weston et à sa famille.

Cela peut sembler paradoxal pour un homme qui annonce à la télé des pots de nourriture pour bébé bio de marque Choix du Président. À l'évidence, Galen G. Weston entretient cette ambivalence.

Hier midi, il arpentait la scène avec aisance, un micro sans fil attaché à sa cravate jaune. Visiblement, ce n'était pas la première fois qu'il livrait ce discours au sujet de l'impact, sur les détaillants en alimentation, des grands bouleversements dans l'agroalimentaire. Mais après sa conférence léchée, il semblait aussi effarouché qu'un chevreuil lorsque quatre journalistes l'ont approché.

Les Québécois ne connaissent Galen G. Weston que par ses publicités «bonne conscience» qui font la promotion d'aliments santé ou de sacs réutilisables. À en juger les commentaires recueillis à droite et à gauche - une méthode qui n'a rien de scientifique, faut-il le préciser - plusieurs Québécois trouvent sympa ce dirigeant de 37 ans avec son look propret.

Ils sont plus tendres à son endroit que les Ontariens puissent l'être. Il faut savoir que Galen G. Weston souffre de la comparaison avec Dave Nichol, l'homme derrière les succès des marques Choix du Président et Sans Nom. Il est considéré comme l'un des meilleurs porte-parole maison de l'histoire de la pub au Canada.

Dave Nichol parlait de la valeur des produits. Les mauvaises langues doutent que Galen G. Weston, qui a passé les étés de son enfance dans des châteaux en Europe, qui a étudié à Harvard et à Columbia, connaisse le prix d'une pinte de lait.

Les publicités télé de Loblaw donnent toutefois une impression de proximité aux Québécois, peu familiers avec les Weston. En Ontario, toutefois, rares sont ceux qui ignorent qu'ils composent la deuxième famille la plus riche du pays après les Thomson. La revue Forbes estime leur fortune à 7,2 milliards US.

W. Galen Weston, père de Galen G. Weston, contrôle le boulanger George Weston. Et cela, sans avoir recours à des actions à droit de vote multiple! La société George Weston contrôle à son tour Loblaw, qui chapeaute au Québec les chaînes Loblaw, Provigo et Maxi.

Le chiffre d'affaires de George Weston s'élève à 31,8 milliards, tandis que celui de Loblaw s'établit à 30,7 milliards.

C'est toute une réalisation compte tenu de la difficulté de faire grandir, voire de maintenir une entreprise au fil des générations.

C'est l'arrière-grand-père de Galen G. Weston qui a lancé l'entreprise familiale à Toronto. Il a fondé une boulangerie commerciale après avoir émigré de la ville de Oswego, New York. La boulangerie de George Weston était un modèle de propreté et d'efficacité pour l'époque. Ce boulanger, qui aimait tester ses nouveaux employés en leur proposant de se battre ensemble, a raconté hier Galen G. Weston, a grandi en achetant des commerces de quartier.

Toutefois, c'est son fils Garfield qui a véritablement permis à l'entreprise familiale de grandir en Amérique du Nord en Europe. L'auteur Peter C. Newman raconte que Garfield Weston a acheté plus de 2000 entreprises en 50 ans, ce qui revient en moyenne à une acquisition tous les 10 jours!

On peut avoir du flair pour acheter des entreprises sans savoir comment les gérer. C'est ce que la famille Weston a constaté dans les dernières années de Garfield, mort en 1978.

W. Galen Weston, le fils le plus jeune de Garfield, a été appelé à la rescousse. En froid avec son père, il était parti s'établir en Europe dans les années 60. Avec l'argent prêté par sa grand-mère, W. Galen Weston avait bâti la plus grande chaîne d'épiceries de l'Irlande.

Des militants de l'IRA (Irish Republican Army) ont d'ailleurs tenté de l'enlever à son domaine, en 1983. Les policiers ont déjoué ce complot, raconte la journaliste Diane Francis. De toute façon, W. Galen Weston était absent. Il jouait au polo avec le prince Charles... Ainsi, la presse anglophone écrit que les Weston sont ce qui se rapproche le plus d'une famille royale au Canada.

Est-ce à cause de cet incident que W. Galen Weston est devenu un homme farouche et sur ses gardes? Au resto, il choisit invariablement une table de coin et change toujours de chemin pour se rendre au bureau, raconte Peter C. Newman.

Si W. Galen Weston ne fréquente pas les soirées mondaines, cet homme d'affaires aujourd'hui âgé de 70 ans sait s'entourer. C'est ainsi que lui et ses hommes de confiance ont sauvé Loblaw, qui était au bord de la faillite au début des années 70.

W. Galen Weston ne pensait sans doute pas devoir entreprendre une opération semblable de son vivant. Mais au printemps de 2008, après une première année de pertes en 19 ans, rien ne va plus chez Loblaw. Le détaillant souffre de la concurrence des hypermarchés Walmart, d'une expansion débridée en Ontario et de ratés dans le système de gestion des approvisionnements.

La direction tricéphale, où Galen G. Weston occupe depuis 2006 la présidence du conseil, ne fonctionne plus. C'est le vizir de la famille, Allan Leighton, ex-président de Walmart en Europe, qui est appelé à la barre de l'entreprise.

Le redressement d'Allan Leighton commence à porter fruit. Les résultats s'embellissent. Et Loblaw s'est récemment remise à parler d'expansion. Le détaillant vient d'acquérir la plus grande chaîne d'épiceries asiatiques du pays, T&T. Il envisage aussi de construire des espaces commerciaux plus petits pour les grands centres urbains.

Le détaillant Metro reste plus performant que Loblaw au Québec. Mais Galen W. Weston peut maintenant faire des discours sur la sécurité alimentaire du Canada ou sur le développement d'un saumon durable. Loblaw n'est plus une espèce menacée.

Pour joindre notre chroniqueuse sophie.cousineau@lapresse.ca