Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams, a annoncé jeudi qu'il quittera ses fonctions la semaine prochaine. À Ottawa comme à Québec, on a poussé un soupir de soulagement. Enfin, on n'aura pas à faire face aux sautes d'humeur et aux campagnes hostiles de M. Williams.

Au Québec, les qualificatifs très durs que le leader terre-neuvien a employés en parlant de la province lui ont valu l'hostilité de plusieurs. Pourtant, les Québécois sont mieux placés que quiconque pour comprendre ce que M. Williams a cherché à faire pour ses concitoyens.

Disons les choses ainsi: Danny Williams a été pour les Terre-Neuviens ce que René Lévesque a été pour nous. Non seulement chacun a-t-il mis en place des politiques qui ont puissamment contribué au développement de leur province respective; les deux hommes ont, par leur passion, leurs paroles et leur comportement, insufflé une confiance et une fierté nouvelles à leur peuple.

Depuis son entrée dans la Confédération en 1949, Terre-Neuve est considérée comme l'enfant pauvre du pays. Les autres Canadiens ont longtemps jugé les Terre-Neuviens avec mépris; en témoignent les blagues sur les «Newfies», longtemps populaires au Québec même si personne ici n'avait rencontré un seul résidant de Terre-Neuve.

Grâce à la découverte de vastes gisements de pétrole au large de ses côtes, la province a vu ses revenus exploser et des milliers d'emplois ont été créés. En refusant de se faire dicter ses politiques par les multinationales du pétrole (comme M. Lévesque l'avait fait avec les compagnies d'électricité), Danny Williams les a forcées à céder une place à l'État dans le consortium du projet Hebron et à verser des redevances plus élevées. Le slogan de M. Lévesque: «Maître chez nous». Celui de M. Williams: «Maîtres de notre destinée».

La colère de M. Williams à l'endroit du Québec est compréhensible, Hydro-Québec retirant des profits indécents de l'électricité produite par la centrale du Haut-Churchill, au Labrador. Si le Québec s'était retrouvé dans une position aussi désavantageuse, les élus québécois auraient tenu des propos similaires. Admettons aussi que toutes les critiques de M. Williams au sujet du Québec ne sont pas mal fondées. Quand il déplore le fait que nous profitons de la péréquation (telle une province pauvre) tout en se payant des programmes sociaux extraordinairement généreux (telle une province riche), le premier ministre de Terre-Neuve a raison.

Aujourd'hui, Terre-Neuve ne reçoit plus de paiements de péréquation. Faisant le bilan de ses sept années au pouvoir, Danny Williams a souligné: «Nous pouvons maintenant faire nos choix selon nos propres intérêts sans dépendre de la charité des autres». À quand le jour où un premier ministre du Québec pourra dire la même chose?