Déjà que le fond de l'air était passablement mauvais au Québec, le voilà maintenant devenu carrément infect après une autre fin de semaine peu édifiante sur la scène politique québécoise.

Le Parti libéral de Jean Charest, d'abord, a ajouté un autre mur de briques au bunker qui l'isole de plus en plus de l'opinion publique en refusant net de discuter de la pertinence d'une commission d'enquête sur le monde de la construction.

Le Parti québécois, de son côté, a ajouté une page à son interminable débat sur la stratégie référendaire avec une autre sortie remarquée de Jacques Parizeau, qui sera immanquablement perçue comme une critique à l'endroit de Pauline Marois.

Les deux principaux partis du Québec vivent une déconnexion double: le PQ débat ad nauseam d'un référendum dont une majorité de Québécois ne veut pas entendre parler alors que le PLQ, de son côté, refuse même d'évoquer une commission d'enquête réclamée par une proportion écrasante de la population.

Entre les deux, le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, joue les morveux en culottes courtes dans la cour d'école en criant des noms au premier ministre.

Associer Jean Charest au «parrain», surtout à la fin d'une semaine aussi mouvementée pour la mafia montréalaise, c'est effectivement outrancier de la part de Gérard Deltell. Jean Charest a au moins raison sur ce point, tout comme il a raison de critiquer le choix de mots du Parti québécois qui accuse le gouvernement de «complicité» avec la mafia.

Cela dit, les libéraux n'ont pas beaucoup aidé leur cause aux yeux de la population en imposant l'omerta sur le sujet dont tout le monde parle au Québec depuis des mois en plein conseil général.

Au Québec, selon tous les récents sondages, au moins trois personnes sur quatre souhaitent la tenue d'une enquête publique sur la construction. Parmi les quelque 500 militants libéraux réunis cette fin de semaine à Lévis, un seul (un sur 500!) a osé faire écho à ce très large consensus. On n'a même pas voulu débattre de la question, ce qui aurait été l'occasion pour le gouvernement d'expliquer de nouveau sa position et, pour les militants, celle d'appuyer officiellement leur chef.

Ce n'est pas tant que les libéraux pensent qu'une telle commission n'est pas nécessaire, mais plutôt qu'elle serait assurément nuisible à leur parti. Le refus d'en discuter ouvertement pourrait l'être tout autant. L'image était terrible: pendant quelques secondes, 500 personnes se rentrent la tête entre les épaules en prétendant ne pas voir l'éléphant dans la pièce.

Rarement la voix muselée d'un seul homme aura fait autant de bruit que celle du militant Martin Drapeau. Et rarement le silence de 500 personnes n'aura aussi clairement exprimé un malaise.

Lorsque ça chauffe, la dissidence n'est plus permise, apparemment, au PLQ. M. Drapeau est sans contredit un mouton noir dans le très docile troupeau libéral. Si j'étais recherchiste à Tout le monde en parle, je m'empresserais de trouver le numéro de téléphone de ce spécimen en voix d'extinction.

C'était peut-être réconfortant pour Jean Charest de voir ses militants se ranger derrière lui, mais le résultat, ce matin, c'est que le premier ministre se retrouve encore un peu plus isolé.

Comme l'attaque, c'est bien connu, est la meilleure défense, M. Charest s'en est pris virilement au chef de l'ADQ et il a une fois de plus fait ses choux gras des tiraillements au sein du PQ. Ce ne sera vraisemblablement pas suffisant pour détourner l'attention de l'opinion publique du sujet tabou chez les libéraux, la fameuse commission d'enquête.

M. Charest mise tout sur les enquêtes policières, mais cette stratégie comporte un risque. À force de mettre de la pression sur la police, en promettant même des résultats soeus peu, les autorités policières pourraient être forcées de bâcler des enquêtes, de tourner les coins ronds ou de coffrer des petits poissons plutôt que de viser plus gros dans la chaîne alimentaire du crime organisé.

Chaque semaine qui passe amène son lot de nouvelles révélations troublantes dans le secteur de la construction. Impossible, dorénavant, de nier l'existence d'un «système» dans ce milieu, notamment la collusion entre les gros acteurs de l'industrie pour le partage de la tarte des grands chantiers publics.

Il n'est pas rassurant d'apprendre ce genre de choses la semaine où le gouvernement annonce des milliards pour la construction d'un nouvel échangeur Turcot. Sans compter tous les autres chantiers à venir et en cours.

Les libéraux, qui souhaitaient un petit conseil général pépère, ont organisé un ixième hommage à Robert Bourassa. Parlant de M. Bourassa, il aurait été approprié de rappeler que c'est lui qui a institué la fameuse CECO, en 1972.

Narcisse Harper

J'ai déjà posé la question dans mon blogue, et je la pose de nouveau ici: Stephen Harper souffrirait-il du culte de la personnalité ou serait-ce seulement que son personnel ne connaisse pas le dicton qui veut que «trop, c'est comme pas assez»?

Toujours est-il que chaque fois que M. Harper quitte Ottawa en mission officielle, son bureau nous submerge de photos et de vidéos dans nos boîtes de courriel.

Juste hier, 23 (!) de ces courriels entre 9h et 16h racontant presque minute par minute le voyage de notre premier ministre chez l'empereur du Japon et à l'APEC.

Même Denis «je-twitte-donc-j'existe» Coderre fait preuve de plus de retenue!

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca