Qui dit que l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste dans la Vallée-du-Richelieu ne mettront pas en péril le mont Saint-Hilaire, lequel a été nommé en 1978 première Réserve canadienne de la Biosphère dans le cadre du programme de l'UNESCO sur l'homme et la biosphère?

Comme rien, à l'heure actuelle, ne prouve le contraire, les mandataires de ce joyau mondial de la nature (avec sa forêt ancienne, ses 200 espèces d'oiseaux et nombre de mammifères et de plantes rares) lancent un cri d'alarme devant l'empressement du gouvernement Charest à aller de l'avant avec le gaz de schiste.

Dans le dossier du gaz de schiste (aussi appelé gaz de shale), je ne comprends pas le zèle du gouvernement Charest. D'une part, il a mandaté le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) de mener une vaste consultation publique afin de l'éclairer, entre autres, sur les dangers liés à l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste... Et, d'autre part, il permet à des sociétés pétrolières d'effectuer présentement des travaux de forage sur de controversés territoires habités, alors que le BAPE est loin d'avoir terminé son mandat.

C'est complètement illogique de donner le feu vert à des travaux de forage alors qu'on ne connaît pas l'impact potentiellement dévastateur que ces mêmes travaux pourraient avoir sur l'environnement du territoire exploré. Mettre la foreuse devant le BAPE, c'est comme mettre la charrue devant les boeufs. Ce n'est vraiment pas efficace!

Pour démontrer concrètement l'illogisme de la stratégie du gouvernement Charest dans le dossier du gaz de schiste, regardons justement ce qui se passe dans la Vallée-du-Richelieu.

À partir de lundi prochain, 15 novembre, le BAPE amorcera à Longueuil la «deuxième partie de l'audience publique» de la commission d'enquête sur le développement durable de l'industrie du gaz de schiste au Québec. Cette deuxième partie sera consacrée exclusivement à l'audition des mémoires des municipalités, des organismes et des groupes interpelés par le controversé dossier.

Eh bien, pendant que tout ce beau monde va parader devant le BAPE pour faire part aux commissaires de leurs inquiétudes, préoccupations, questions et recommandations, le gouvernement Charest, lui, permet notamment à la société Canadian Forest Oil, de Calgary, d'effectuer des travaux de forage dans la municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu.

En effet, la société a avisé les citoyens de la municipalité que les travaux de forage de son «puits stratigraphique vertical d'exploration» allaient commencer autour du 15 novembre, pour se terminer vers la fin de novembre. En vue préparer le forage, la société effectue depuis deux semaines sur le terrain des travaux de décapage de terre avec de la machinerie lourde.

«Nous aimerions vous signaler que ce forage vise à évaluer les couches géologiques présentes jusqu'à une profondeur de 1200 à 1300 mètres et d'y effectuer des carottages de la roche en place, afin de pouvoir en évaluer son potentiel», indique Canadian Forest Oil dans la lettre distribuée aux citoyens de Saint-Denis-sur-Richelieu, que le maire Jacques Villemaire nous a fait parvenir à notre demande.

Mais comble de l'ironie: «Enfin, nous devons vous souligner que notre compagnie se doit absolument de procéder à l'exécution de ces travaux de forage vertical, avant la fin de 2010, et ce, afin de protéger nos droits et intérêts dans le permis d'exploration obtenu dans votre région.»

Quelle situation ridicule! À cause de l'empressement du gouvernement Charest à lancer le Québec dans l'exploitation du gaz de schiste, les sociétés se dépêchent d'effectuer des travaux d'exploration pour protéger leurs droits et intérêts... sur le dos de la population. Comme si les citoyens des municipalités ciblées par le gaz de schiste n'avaient pas, eux, des droits et des intérêts à protéger!

Revenons à la Réserve de biosphère du mont Saint-Hilaire. Dans le mémoire présenté la semaine prochaine au BAPE, le directeur du Centre de la nature du mont Saint-Hilaire (et responsable de ladite Réserve mondiale), Kees Vanderheyden, souhaite sensibiliser le BAPE en apportant «une perspective en matière de protection de la biodiversité» de nos forêts, de nos bois, de nos couloirs forestiers et de nos milieux humides. Quand on parle de protection de la Réserve de biosphère du mont Saint-Hilaire, cela englobe non seulement la montagne, mais également le territoire environnant de Mont-Saint-Hilaire. lequel touche les écosystèmes, les espèces et les paysages de plusieurs autres municipalités telles que Saint-Mathias-sur-Richelieu, Otterburn Park, Saint-Charles-sur-Richelieu, Saint-Denis-sur-Richelieu, Saint-Jean-Baptiste, La Présentation.

Le Centre de la nature du mont Saint-Hilaire réclame la protection inconditionnelle des bois et milieux humides et l'interdiction de les fragmenter davantage; l'imposition aux exploiteurs de gaz de schiste d'une distance vitale à respecter par rapport à la forêt, aux bois et aux milieux humides; la protection intégrale de la biodiversité à court et long terme. Pour établir des règles claires et fermes, il faut s'appuyer sur des recherches scientifiques appropriées.

Le hic: ces recherches ne sont pas encore faites. Que le gouvernement Charest prenne donc le temps de les faire avant de lancer le Québec dans l'exploitation du gaz de schiste. Il me semble qu'il n'est pas nécessaire d'habiter Mont-Saint-Hilaire, comme moi, pour comprendre cela!