Une économie en forte croissance. Une industrie assoiffée. Des ventes d'automobiles qui montent en flèche... L'Inde a besoin d'énergie et elle ira la chercher à l'étranger.

«Vendez l'or, les services informatiques et investissez tout dans le charbon.»

C'est le conseil que la télévision indienne, sans doute emportée par un surcroît d'enthousiasme, distribuait à tout vent jeudi après l'entrée en Bourse spectaculaire du premier producteur mondial de charbon, Coal India Ltd.

Selon des médias européens sur place, la folie s'est emparée des investisseurs avec l'envolée de 40% du prix de l'action de Coal India... à sa première journée de transactions à la Bourse de Bombay.

En cédant au public-investisseur 10% du capital de cette société d'État, qui produit 80% du charbon indien avec ses 471 mines au pays, le gouvernement a orchestré la plus grande vente d'actions dans l'histoire boursière indienne. La vente d'un bloc d'actions de Coal India lui a rapporté l'équivalent de 3,5 milliards de dollars canadiens.

Mais surtout, cette opération, couronnée de succès dans l'arène financière, témoigne de l'importance que l'Inde en entier accorde aux ressources énergétiques.

Car ce pays de 1,1 milliard d'habitants, qui vient de retrouver sa croissance économique des beaux jours, a un besoin criant d'énergie. Si bien que les patrons de Coal India admettent ouvertement que leur société pourra difficilement répondre à la demande du marché, et ce, pendant plusieurs années tellement celle-ci est importante.

Les besoins énergétiques de l'Inde, qui augmentent sans cesse, sont assurés, pour la moitié, par le charbon. Or, la demande devrait tripler d'ici à 2030, évalue le ministère du Charbon.

Partez et achetez

Si des doutes persistaient encore sur l'obsession indienne pour les sources d'énergie, ils ont été dissipés par le premier ministre Manmohan Singh, la semaine dernière.

Le leader indien a lancé sans détour un appel au secteur de l'énergie pour multiplier les acquisitions à l'étranger en prévision des besoins futurs du pays.

«Le gouvernement indien encourage les sociétés nationales à prendre des participations» si des occasions se présentent dans les secteurs pétrolier et gazier à l'étranger, a déclaré M. Singh lundi dernier.

Dans les minutes qui ont suivi, la société ONGC (Oil and Natural Gas Corporation), qui est détenue à 74% par l'État, s'est empressée de dire qu'elle avait plusieurs cibles en vue.

Le temps presse. La troisième puissance économique d'Asie, qui importe 80% de sa consommation de pétrole, doit soutenir une croissance économique effrénée qui se rapproche du rythme d'avant la crise financière. Le gouvernement mise sur une hausse de 8,5% de son PIB pour l'année en cours, soit presque autant que la Chine.

La demande globale en hydrocarbures - pétrole, charbon, gaz naturel - devrait croître de 40% d'ici 10 ans, selon les estimations gouvernementales.

L'émergence d'une véritable classe moyenne en Inde stimule en particulier la demande de carburants. Ce phénomène a été confirmé, la semaine dernière, par la publication de ventes d'automobiles records en octobre.

Une course

Après la Chine, l'Inde pourrait donc devenir le plus grand prédateur de la planète dans la jungle énergétique.

«L'Inde est engagée depuis cinq ans dans une course aux acquisitions dans l'énergie notamment en Afrique et au Vietnam, affirme le cabinet-conseil Deloitte. Mais la Chine est loin devant (...) car elle a mené une politique agressive depuis plusieurs années dans le monde entier.»

Le groupe ONGC, qui n'a pas réalisé d'investissement majeur à l'étranger depuis près de deux ans, a désormais sa liste de proies potentielles, notamment en Angola (pétrole) et, selon la presse, en Australie (gaz naturel).

Pour sa part, Coal India va consacrer 2 milliards US à son expansion internationale. «On a 6 milliards (de dollars américains) à la banque. Et on n'aime pas ça», a récemment lancé le président de l'entreprise, Partha Bhattacharyya. Le message est clair.

Les gens d'affaires dans l'Ouest canadien ont donc intérêt à rester aux aguets. Les Chinois et les Américains ne sont plus les seuls à tourner autour de leurs précieuses ressources énergétiques. India Inc. saute dans la mêlée.

Incidemment, le gouvernement indien veut récolter 9 milliards US grâce aux privatisations d'ici au 31 mars 2011. Le but: réduire le déficit budgétaire et financer les programmes sociaux.

Ce sont surtout les sociétés de ressources et d'énergie qui seront offertes aux investisseurs. Les prochains: ONGC et le producteur de cuivre Hindustan Copper. Avis aux intéressés.