On pourrait facilement déprimer en regardant les derniers résultats de l'enquête mensuelle sur la population active, publiés hier par Statistique Canada.

En octobre, l'économie canadienne n'a créé, en tout et pour tout, que 3000 emplois. Ce chiffre minuscule signifie que la création d'emplois au Canada n'est même plus capable, et de loin, de suivre la croissance démographique. Simplement pour égaler la croissance de la population, l'économie devrait produire 17 000 nouveaux emplois chaque mois. On voit à quel point on est loin du compte.

Cette rachitique création d'emplois est très loin en-deça des attentes des spécialistes. On s'attendait plutôt à environ 15 000 nouveaux emplois. Le pire, c'est que les chiffres camouflent d'énormes différences régionales. Ainsi, uniquement en Alberta, il s'est créé 17 000 emplois. Puisque l'on parle de 3000 nouveaux emplois au Canada, cela signifie qu'il s'en est perdu 14 000 dans les autres provinces, dont 4000 au Québec, où le taux de chômage atteint maintenant 8%.

Bon, assez de mauvaises nouvelles. Si on gratte un peu, on voit que les chiffres sont moins sombres qu'il n'y paraît. On peut même y remarquer quelques lueurs d'espoir.

Lorsque Statistique Canada calcule le nombre d'emplois gagnés et perdus au cours du mois, elle tient compte de tous les gens qui sont actifs sur le marché du travail; cela inclut même ceux qui ne travaillent que quelques heures par semaine.

Or, en octobre, il s'est créé 47 000 emplois à temps plein; pendant la même période, 44 000 emplois à temps partiel ont été supprimés (d'où le gain de 3000). Autrement dit, les emplois à temps plein - des emplois de meilleure qualité, et beaucoup mieux payés - ont remplacé les emplois à temps partiel. Il s'agit d'une première bonne nouvelle.

D'autre part, pendant le mois d'octobre, le niveau de l'emploi a rejoint celui d'avant la récession. Cela signifie que tous les emplois perdus depuis deux ans ont été récupérés. Certes, le taux de chômage demeure relativement élevé à 7,9% aujourd'hui, contre 6,2% juste avant la récession. D'où vient la différence? C'est qu'en deux ans, la population a augmenté, ainsi que le nombre de nouveaux arrivants sue le marché du travail. L'économie n'a pas pu fournir de l'emploi à tout le monde. N'empêche: le simple fait qu'elle ait été capable d'effacer toutes les pertes dues à la récession constitue certainement une autre bonne nouvelle.

Il y a autre chose. Il est vrai que les quatre derniers mois n'ont pas été particulièrement brillants, avec une création mensuelle moyenne de 5700 emplois. Or, pour avoir une idée plus précise de la situation, il faut regarder les chiffres sur une année complète. Pendant les six premiers mois de 2010, il s'est créé en moyenne 51 000 emplois par mois. En tout, donc, entre octobre 2009 et octobre 2010, le Canada a gagné 375 000 emplois, ce qui n'est pas mal du tout quand on considère, entre autres, le mauvais état de santé de son premier partenaire commercial.

Et voici une autre bonne nouvelle. Aux États-Unis, le département du Travail a annoncé qu'il s'est créé, toujours en octobre, 151 000 emplois, deux fois plus que les prévisions des analystes. Ce sont là les meilleurs résultats en sept mois (si on excepte la poussée temporaire du printemps, liée aux activités du recensement). D'autre part, le département a aussi annoncé une révision à la hausse des deux mois précédents. En août et septembre, l'économie américaine a ainsi créé 107 000 emplois de plus qu'annoncé plus tôt cette année.

Certes, le taux de chômage américain reste élevé à 9,6%, mais il semble que le marché du travail reprenne lentement des forces. Il en aura bien besoin.

Nous venons de voir que le Canada vient de récupérer tous les emplois perdus pendant la récession. Voici quelques chiffres qui permettent de mesurer l'ampleur de la calamité au sud de la frontière. Depuis le début de l'année, les employeurs privés américains ont créé plus d'un million d'emplois, pendant que le secteur public en supprimait près de 300 000. Au net, il s'est donc créé 874 000 emplois. C'est bien, mais il faut savoir que depuis le début de la récession en 2008, l'économie américaine a supprimé près de huit millions d'emplois. C'est dire l'ampleur du rattrapage qui attend nos voisins. En revanche, toute amélioration du marché du travail aux États-Unis, comme celle qui a été annoncée hier, doit être considérée comme une bonne nouvelle par les exportateurs canadiens et leurs employés.