À mon retour de vacances aux États-Unis, en août dernier, j'ai épinglé à mon bureau une caricature d'un journal américain qui ressemble à ceci: un quidam en train de faire le plein de son immense 4x4, en lisant un journal dont la manchette parle de la fuite de pétrole de BP dans le golfe du Mexique, et qui crie: «Dammit Obama! Do something!»

À l'époque, j'avais trouvé ce dessin de Mike Luckovich aussi grinçant que prémonitoire.

Tout l'été, on se plaignait partout aux États-Unis de l'«inaction» du président pour stopper ce désastre. Mais qu'attendait-on de lui exactement? Qu'il plonge dans les eaux du Golfe et qu'il aille lui-même boucher le puits avec son doigt?

En fait, ce n'est pas que les Américains attendaient quelque chose de leur président. Ils cherchaient un responsable à leurs nombreux problèmes. Malgré toutes les réunions d'urgence à la Maison-Blanche et les quelques séjours en Floride, rien n'y fit, Barack Obama devenait le bouc émissaire tout désigné.

La réaction des médias et de la population en général à propos de cette fuite de pétrole ne présageait rien de bon pour les élections de mi-mandat. Et puis, cette fuite, ce n'était rien à côté de la crise économique dans laquelle s'est durablement enlisé notre géant de voisin. Ça aussi, c'était de la faute du président Obama!

On sentait déjà l'été dernier que la formidable vague qui avait porté Obama au pouvoir en novembre 2008 allait l'emporter vers les bas-fonds électoraux avec la même force. Le président «miracle» était pris dans une tempête politique parfaite, qui n'a fait qu'empirer au cours des dernières semaines avec la détérioration constante de l'économie.

L'occasion était trop belle pour les conservateurs (républicains, Tea Party et même indépendants de tendance conservatrice) d'attaquer ce «socialiste» et de lui faire porter la responsabilité de tous les échecs du pays.

Le «miracle» Obama est bel et bien fini. Lors de son ascension vers le pouvoir, on avait assisté à un mouvement de modération et de tolérance. Depuis quelques semaines, l'extrémisme de droite a repris ses pancartes et ses porte-voix, poussant des membres du Tea Party jusqu'à Washington.

Barack Obama a commis quelques graves erreurs depuis deux ans, celle de ne pas trouver les mots pour toucher les Américains au premier chef. Il a déçu dans son propre parti, en plus de mécontenter des gens habituellement peu politisés qui avaient voté pour lui parce qu'ils croyaient au changement qu'il promettait.

Mais il faut dire que la contre-attaque de ses adversaires a été impitoyable. En fait, la force avec laquelle certains l'ont diabolisé n'a d'égale que celle qui en avait pratiquement fait un saint en 2008.

Lorsque 20% des Américains en arrivent à croire que Barack Hussein Obama est... musulman, c'est que la machine à propagande est dangereusement efficace. Et que les électeurs sont dangereusement crédules!

De toute cette longue soirée, mardi, la nouvelle la plus déprimante, quant à moi, est cette annonce de la première sortie médiatique de George W. Bush, prévue cette semaine. Contrairement à Bill Clinton, omniprésent sur les scènes démocrates au cours des dernières semaines, on n'a pas vu W. Le voilà maintenant qui ressort de son ranch, une fois consacrée la victoire de son parti.

Dans leur colère, les électeurs américains ont puni Obama, mais le véritable responsable du piètre état de l'économie, c'est plutôt George W. Bush. C'est lui qui a enlisé son pays en Irak, c'est lui qui a réduit les impôts (en particulier pour les riches), un cadeau empoisonné pour Obama puisque ces baisses d'impôts sont renouvelables cette année.

Maintenant qu'il a perdu le contrôle de la Chambre des représentants, le président Obama ne pourra faire autrement que de reconduire le plan Bush, ce qui aggravera encore davantage la situation.

Et les Américains de droite disent avoir voté républicain pour remettre de l'ordre dans les finances publiques. Allez comprendre...

Mince consolation pour les démocrates: il n'est pas inusité pour le parti au pouvoir de perdre des plumes aux élections de mi-mandat. Seulement deux présidents ont réussi à gagner des sièges dans deux élections consécutives (présidentielles et législatives): Franklin D. Roosevelt en 1932 et 1934 et... George W. Bush en 2002 et en 2004.

Au Canada, le résultat de mardi réjouira évidemment les tenants d'une certaine droite, dont les anciens réformistes et leurs émules.

Chose certaine, on ne peut plus dire, depuis mardi soir, que le Canada, avec son gouvernement conservateur, rame à contre-courant du mouvement dominant chez nos voisins du Sud.