Il y a quelques semaines, on a assisté à une autre escarmouche entre le président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette, et le ministre de la Santé, le Dr Yves Bolduc.

Il y a quelques semaines, on a assisté à une autre escarmouche entre le président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette, et le ministre de la Santé, le Dr Yves Bolduc.

Cette fois-ci, les échanges portaient sur un tableau, produit par la FMSQ, montrant que les cadres et le personnel administratif du réseau de la santé voyaient leurs effectifs grimper en flèche tandis que le personnel soignant stagnait. La réponse du ministre, selon qui ces données étaient erronées, est arrivée tard, trop mal ficelée pour que son interprétation prévale.

Oublions la guerre de chiffres. La démarche de la FMSQ avait une portée beaucoup plus vaste. L'organisme s'est lancé dans une étude très fouillée sur la structure et les dépenses du réseau de la santé. Cette analyse, publiée dans leur revue, Le Spécialiste, apporte un éclairage très utile sur le cancer qui mine notre réseau, son administration étouffante. Le Dr Barrette et sa fédération attaquaient la bonne cible.

Le pire problème, toutefois, n'est pas nécessairement le nombre trop élevé de bureaucrates. Les cadres peuvent jouer un rôle très utile, s'ils font la bonne chose, au bon moment et au bon endroit. Le drame, c'est que cette énorme administration, ce monstre tricéphale, avec ses trois structures - le ministère, les agences, et le réseau des Centres de santé et de services sociaux -, avec ses 11 328 cadres, avec ses 84 918 employés administratifs, ne fait pas le travail qui devrait être le sien.

Deux exemples récents illustrent en quoi cette légion d'administrateurs n'est pas au rendez-vous quand on a besoin d'elle. Le premier, c'est le lamentable cafouillage du Dossier santé Québec, l'informatisation des dossiers médicaux: dépassements de coûts, des retards tels que le travail déjà fait est en partie désuet, départs à répétition des responsables du dossier. Par définition, la mise en place d'un tel réseau ne dépend ni des infirmières, ni des médecins, mais du volet administratif.

L'autre exemple a été mis en relief dans la belle série sur le cancer de mon collègue Patrick Lagacé. Le Québec n'a pas de stratégie sur le cancer, pas d'agence, pas de fichier central, pas de politique ou de normes communes; une désorganisation dont les malades font les frais. Encore là, ce sont des politiques de coordination et de planification qui font cruellement défaut, ce qui par définition est la responsabilité des administrateurs.

Où sont-ils donc quand on a besoin d'eux? Que font-ils de leur journée? Mon impression, c'est qu'ils sont menottés par le système, un réseau de santé qui est devenu un monstre, que personne ne comprend ou ne contrôle, prisonnier de ses structures et de sa culture.

Le problème de structures est évident. Le ministère ne s'est pas allégé quand on a décentralisé le réseau vers les agences régionales, ce qui a mené à des chevauchements, à la confusion des rôles, à l'alourdissement. Et ce monstre bicéphale a développé une troisième tête, le réseau des CSSS, issus du regroupement d'établissements - une bonne idée en soi -, sauf qu'elle a donné naissance à un troisième niveau administratif, opaque et dysfonctionnel.

Derrière les structures, il y a la culture. Une culture de repli sur soi, de respect soviétique de normes, où bien des administrateurs se méfient des soignants, perçus comme des générateurs de coûts. Une culture où les bureaucrates, prisonniers de leur logique, auront tendance à préserver leurs privilèges et à trouver qu'il est plus simple de couper dans les services que dans l'administration. Et qui ont fini par oublier que la mission du réseau est d'être au service des citoyens et que le patient doit être au centre du système.